La fixation de la rémunération du gérant de SARL est une question d’une importance pratique évidente. Les deux tiers des entreprises françaises sont, en effet, constituées sous forme de société à responsabilité limitée, ce qui représente près de 1,5 millions de SARL, qui sont essentiellement des PME.
1. Seule l’assemblée générale peut fixer la rémunération du gérant
Les fonctions de gérant peuvent être rémunérées ou, plus exceptionnellement, exercées gracieusement. Ce sont les statuts qui prévoient généralement le principe et les conditions de détermination de la rémunération du gérant dont le montant est, le plus fréquemment, fixé par la collectivité des associés.
Quid si l’assemblée refuse de délibérer sur le sujet ou conteste au gérant une revalorisation de sa rémunération ?
Pendant un temps, la Cour de cassation a reconnu au juge le droit de modifier la rémunération du gérant lorsque la décision des associés qui en fixait le montant était abusive ou irrégulière (Cass. Com. 11 janvier 1972, n° 69-11.205 et 69-11.682).
Depuis un arrêt du 31 mars 2009, elle exclut désormais clairement toute possibilité de fixation judiciaire de la rémunération du gérant et considère « le juge ne peut se substituer aux organes sociaux légalement compétents » (Cass. Com. 31 mars 2009, n° 08-11.860).
2. S’il est associé, le gérant peut participer au vote qui détermine sa rémunération
Lorsqu’il est également associé de la SARL qu’il dirige, le gérant peut-il prendre part au vote qui statue sur sa rémunération ?
La réponse dépend de la nature de la délibération de l’assemblée générale qui détermine la rémunération.
La jurisprudence est restée longtemps incertaine et divisée sur le sujet.
Certaines juridictions considéraient que la résolution relative à la rémunération du gérant constituait une convention règlementée soumise à la procédure d’approbation de l’article L. 223-19 du Code de commerce, de sorte que l’intéressé ne pouvait pas participer au vote (Versailles, 12 septembre 2002, JurisData n° 2002-207386).
D’autres y voyaient une convention portant sur une « opération courante conclue à des conditions normales », relevant du régime dérogatoire de l’article L. 223-20 du Code de commerce, et autorisaient le gérant à délibérer (Paris, 25 janvier 2007, n° 05/24853).
Plus récemment, la Cour d’appel de Paris a abandonné la qualification conventionnelle et a retenu que « la décision de l’assemblée générale fixant la rémunération du gérant émane directement de l’assemblée et ne constitue pas une convention intervenue directement entre la société et le gérant devant être soumise à l’assemblée selon les termes de l’article L. 223-19 du Code de commerce » (Paris 6 décembre 2007, n° 06/20667).
C’est l’analyse que vient de consacrer la Cour de cassation.
Dans un arrêt de principe du 4 mai 2010 qui met fin à la controverse, la Chambre commerciale décide que « la détermination de la rémunération du gérant d’une société à responsabilité limitée par l’assemblée des associés ne procédant pas d’une convention, le gérant peut, s’il est associé, prendre part au vote » (Cass. Com. 4 mai 2010, n° 09-13.205).
Cette décision a le mérite de clarifier le débat.
Il est désormais acquis que la rémunération du gérant ne résulte pas d’un accord passé entre ce dernier et la société, mais d’une décision unilatérale de l’assemblée générale.
3. Le gérant, associé majoritaire, peut être sanctionné en cas de rémunération abusive
Comment, dès lors, éviter les risques d’abus si le gérant détient la majorité des parts sociales de la société qu’il dirige.
Si la rémunération du gérant, qu’il s’agisse d’un traitement fixe, variable ou de primes exceptionnelles, s’avère excessive eu égard notamment à la situation financière ou aux performances de l’entreprise, les associés minoritaires peuvent obtenir la nullité de la délibération qui en a fixé le montant ou des dommages et intérêts sur le fondement de l’abus de majorité (Aix en Provence 29 juin 1995, JurisData n° 1995-045922 ; Paris 6 décembre 2007, prec.).
Tout associé doit, en effet, exercer son droit de vote conformément à l’intérêt social et non dans le but de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité.
Le gérant peut également être poursuivi pénalement pour abus de biens sociaux s’il fait des biens de la société un usage contraire à l’intérêt social (cf. article L. 241-3, 4° du Code de commerce).
Des garde-fous existent. Les pouvoirs du gérant majoritaire ne sont donc pas discrétionnaires et peuvent être sanctionnés a posteriori en cas d’abus.
Nathalie Malkes Koster
Avocat au Barreau de Paris
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