L’enregistrement d’une marque en France confère à son titulaire une protection sur l’ensemble du territoire national. Une telle protection est-elle suffisante ? Certainement pas !
En effet, le phénomène de la globalisation, le principe de la libre circulation des marchandises et des services au sein de l’Union européenne et l’importance grandissante du commerce électronique sont autant de facteurs qui plaident en faveur de l’élargissement de la protection de la marque au-delà du pays d’origine.
Pas de droit, sans enregistrement
Comme tous les droits de propriété intellectuelle, le droit qui s’attache à la marque est régi par le principe de territorialité, selon lequel une marque n’est protégée sur un territoire que pour autant qu’elle y ait été enregistrée.
De la sorte, une entreprise qui exploite une marque sur un territoire où elle n’a pas sollicité de protection s’expose non seulement au risque de contrefaçon ou de dépôt frauduleux de la part des tiers, mais également au danger de devenir elle-même contrefactrice d’une marque déposée ultérieurement et de bonne foi par un concurrent.
Il est donc de l’intérêt de toutes les entreprises ayant vocation à l’exportation de protéger leurs marques à l’étranger.
- Identification des marchés stratégiques
Étendre la protection d’une marque à l’étranger suppose d’avoir identifié au préalable les marchés étrangers stratégiques, selon un ordre de priorité que l’on peut résumer de la façon suivante :
Marchés de premier ordre
Il peut s’agir du pays où l’entreprise fabrique ses produits, mais également celui ou ceux dans lesquels elle est implantée par le biais notamment de filiales, ainsi que ceux dans lesquels elle commercialise ses produits soit directement, soit par l’intermédiaire de distributeurs.
Cette première sélection peut être encore affinée selon le volume des ventes réalisé ou encore d’après des considérations de développement imminent.
Marchés de la concurrence
Dans une moindre mesure, il peut apparaître également judicieux de protéger la marque dans les principaux pays où sont implantés les concurrents directs.
En effet, le succès commercial éveille nécessairement l’attention de la concurrence. Il convient donc de dissuader les compétiteurs de toute velléité de dépôt ou d’usage illicite par une protection anticipative et disposer ainsi de droits privatifs sur la marque, à opposer le cas échéant.
Marchés de la contrefaçon
Idéalement, une protection de marque devrait être projetée dans les pays à haut risque de contrefaçon.
- Détermination de la stratégie de dépôt
Trois voies de protection sont généralement disponibles, à savoir : la voie nationale, la voie régionale et la voie internationale.
La voie nationale
Il est possible de déposer une marque directement auprès des autorités nationales des pays choisis. La plupart requiert la constitution d’un mandataire local. Si la marque n’est destinée qu’à un seul pays, un dépôt national apparaît, dès lors, opportun.
La voie régionale
Des dépôts peuvent être aussi effectués auprès d’Offices régionaux qui permettent d’obtenir la protection d’une marque simultanément dans plusieurs pays, comme par exemple auprès de l'Office d'Harmonisation du Marché Intérieur (OHMI) pour tous les États membres de l'Union européenne ou encore de l'Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) pour tous les pays de l’Afrique francophone subsaharienne.
Les dépôts régionaux permettent d’obtenir une protection uniforme sur un vaste territoire régional pour un coût sensiblement inférieur à celui induit par des dépôts nationaux successifs.
La voie internationale
L’enregistrement international des marques (dénommé Système de Madrid) permet d’étendre la protection d’une marque déposée ou enregistrée dans plusieurs pays simultanément moyennant le dépôt d’une demande d’enregistrement unique auprès de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).
Outre l’avantage financier notable qu’il procure par rapport à des dépôts nationaux étrangers, le Système de Madrid permet aux titulaires d’étendre la portée géographique de la protection de leurs enregistrements internationaux de marques au fur et à mesure de la conquête de nouveaux marchés étrangers.
Quelle que soit la voie retenue, il est toujours conseillé de vérifier, avant les opérations de dépôt et/ou les premiers actes d’exploitation, la disponibilité juridique de la marque sur les territoires étrangers visés.
De plus, la réflexion sur la protection d’une marque à l’étranger doit intervenir au plus tôt. Dès le jour du dépôt, le titulaire a en effet déjà la possibilité d’étendre la protection de sa future marque à l’étranger, en bénéficiant de cette date initiale. Ces démarches de protection s’avèrent nécessaires, pour ne pas dire incontournables, car, rappelons-le, nombreux sont les pays où le droit attaché à une marque naît de l’enregistrement et non de l’usage.
Philippe Rodhain
Conseil en propriété industrielle
Chargé d’enseignement Bordeaux IV
Master II Droit de la Vigne et du Vin
Master II Intelligence Economique
http://www.ipsphere.fr