L’essentiel des Banques Centrales du monde pratiquent actuellement des taux d’intérêt directeurs extrêmement bas. Cette politique monétaire s’accompagne par ailleurs de mesures que l’on aime qualifier de « non conventionnelles » comme l’injection de liquidités par des achats massifs d’actifs.
Conséquence, le loyer de l’argent pondéré en fonction des économies est de +2,4%, selon la BCE (Banque Centrale Européenne).
Les dernières prévisions de croissance du FMI font état d’une croissance mondiale de 7,1% en 2010 et pour 5,6% en 2011. Nul besoin d’algorithme industrieux pour constater le caractère hautement accommodant de ces politiques monétaires au vu de la croissance mondiale actuelle… et future.
Suffit les termes barbares… Utilisons des mots et les bons autant que faire se peut.
Expliquez-moi donc l’utilité de cette surliquidité qui inonde le monde et qui conduit à un scénario inflationniste.
La surliquidité est une arme pour accompagner ce que les experts nomment le « Deleveraging ».
Je m’explique. Derrière ce terme qui peut sembler venimeux se cache en réalité une définition simple puisqu’il s’agit de réduire la dette des entreprises en s’appuyant sur les actifs figurant aux bilans de ces dernières. Le danger serait que les actifs du bilan perdent de la valeur plus vite que la réduction des dettes.
Ainsi, les Banques Centrales diminuent les dettes des banques – pour citer un exemple parlant – en rachetant en masse leurs actifs « toxiques » pour éviter que ces derniers ne soient trop faibles par rapport au passif. Sans cela, les banques n’auraient guère d’autres solutions que de réduire, voire supprimer, les émissions de crédits à des emprunteurs individuels ou professionnels pour maintenir un rapport sain entre actifs et passifs, ce qui ne va évidemment pas dans le sens du développement économique dans son ensemble.
Or, ces actifs toxiques perdent continuellement de la valeur, ne pas agir conduirait tout simplement à la faillite. C’est ce qui s’est produit pour Lehman Brothers en 2008. La Fed (Banque Centrale américaine) avait refusé de venir en aide à la prestigieuse banque, ce qui a entraîné une frayeur excessive des marchés mondiaux : l’Etat n’a pas soutenu l’une des plus grandes institutions financières du pays voire du monde, que va-t-il advenir des autres ? Vendons…
Ces injections de liquidités permettent en somme de « réamorcer la pompe » (terme que je me suis permis d’emprunter à Madame Lagarde) des crédits pour redonner du souffle à l’économie en accompagnant les banques dans leur processus de deleveraging. Nous en comprenons maintenant les termes.
Si ce processus est nécessaire pour la quasi-totalité des pays développés, il n’en va pas de même pour les émergents, ce qui conduit entre autre à un déséquilibre financier avec certaines zones émergentes comme la Chine qui multiplie les mesures de resserrement monétaire pour juguler l’inflation.
Ce déséquilibre touche également les devises et les prix d’actifs. Le dollar chute tandis que le marché des actions est fortement stimulé grâce à une détente supplémentaire des taux longs. Ces opérations contribuent au rebond des indicateurs avancés, lesquels entraînent des perspectives favorables pour l’emploi. Ces effets de richesses positives stabilisent également le taux d’épargne ainsi que les dépenses des ménages, moteurs indispensables à la reprise économique dans son ensemble et au renforcement d’une croissance autonome.
Pour autant, la croissance des pays développés, Etats-Unis compris, n’est pas encore suffisante pour réduire le déséquilibre entre le PIB réel et le PIB potentiel ou pour utiliser un autre terme barbare l’« output gap ».
Cette reprise, certes naissante, n’est donc pas suffisante pour créer significativement de l’emploi et réduire notablement le taux de chômage. Pour preuve, la dernière publication officielle des chiffres sur l’emploi US dévoilés par le Département au Travail américain le 4 février dernier (vendredi) qui a fait état de 36000 créations de postes alors que le consensus attendait plus de 135000 créations ! Notons toutefois que le taux de chômage est passé de 9,4% à 9% contre 9,5% attendu.
En outre, la confiance des consommateurs est à un niveau historiquement faible même si elle tend à se redresser, ce qui incite les entreprises à la prudence, notamment sur leurs dépenses. Les conditions monétaires et financières accommodantes leur permettent de cumuler des liquidités, réutilisées pour beaucoup dans des opérations de restructurations financières et des opérations de fusions/acquisitions, ce qui évidemment est moins profitable à l’emploi que des investissements productifs.
Ainsi, le rythme lent de la reprise n’écarte pas l’éventualité de tensions inflationnistes - déjà observées dans certaines zones émergentes – lequel pousserait notre inflation au-dessus de celle suggérée par l’activité réelle.
Cela étant, ni la BCE (Banque Centrale Européenne) ni la Fed (Banque Centrale américaine) ne s’en alarment réellement.
Pourquoi ? car ce serait un moyen pour diminuer progressivement la dette publique et privée.
La question qui se posera aux institutions est de savoir s’il est préférable de subir une douleur intense d’une politique d’austérité sévère ou une douleur diffuse d’une inflation élevée. Dilemme…
Quoi qu’il en soit, aux yeux du simple citoyen, l’idée de rembourser la dette avec un peu d’inflation pourrait être admise, à condition de ne pas sacrifier son pouvoir d’achat en espérant que les salaires suivent… On en revient donc aux investissements productifs des entreprises.
Thierry LOU
www.interactive-trader.fr