Fini, les produits ou services standardisés, assemblés par série de 10 000 en files uniformes et ininterrompus ou proposés à l’identique ! L’heure est au sur-mesure, à l’individualisation et à la personnalisation. De l’industrie aux services en passant par le tourisme, l’ère du prêt-à-consommer touche à sa fin, face aux demandes sans cesse plus pressantes d’un public friand de services à la demande et de produits à son image.
L’envie de différence
« Avec la démocratisation du coffret-cadeau, « l’effet surprise » lié au coffret-cadeau s’est estompé, alors même que le produit n’avait pas intrinsèquement changé. […] Avec notre offre sur-mesure, nous voulons surprendre le consommateur. Il s’agit également de redonner la main à la personne qui souhaite faire un cadeau. Avec le sur-mesure, nous permettons au consommateur de faire un cadeau adapté et personnalisé, que ce soit sur le contenu (type d’activité, région de prédilection, etc.), mais aussi sur le contenant », explique Fabrice Lépine, directeur général de Wonderbox. Le coffret-cadeau, ces fameuses « box », n’échappent pas à la tendance, et sont même représentatives d’un mouvement de fond sur la plupart des marchés : même en partant d’un produit qui offre un grand panel de choix, le consommateur de coffrets Wonderbox veut toujours plus de personnalisation. Wonderbox évolue certes sur un créneau très particulier : celui des cadeaux, où le produit doit autant s’accorder avec la personnalité de l’acheteur qu’avec celle du destinataire : difficile du faire du « standard » dans un tel métier.
Mais même un choix très étendu n’est plus un critère discriminant suffisant, si une palette de choix identiques s’offre à tous. Le consommateur veut un produit qui lui ressemble, personnalisé à l’envie et à l’extrême, et avec lequel existe une certaine interactivité : le produit n’est plus simplement acheté, le consommateur veut désormais participer à sa conception, au moins partielle.
Dans le secteur mitoyen du tourisme, la question de la personnalisation se pose avec la même acuité. Il y a bien longtemps que les camps de vacances ne font plus recettes, et l’individualisation de l’offre y est surtout envisagée sous l’angle technologique : « La technologie se doit de rapprocher le consommateur des vendeurs », explique Frédéric Vanhoutte, organisateur des conférences Net Managers, rassemblant chaque année des professionnels du tourisme pour réfléchir aux interactions possibles entre tourisme et nouvelles technologies : « la personnalisation et, par voie de conséquence, le sur-mesure, s’affirment comme le vrai message de Net Managers 2015 », poursuit-il.
Du Big data à l’usage des réseaux sociaux, le but devient de proposer des programmes à la carte, pour séduire un consommateur avant même qu’il ne sache lui-même ce dont il a envie. Mais si la notion « d’envie » et de plaisir sont consubstantielles du secteur du loisir et du tourisme - l’essentiel reste de « susciter/créer l’envie » – tous les secteurs marchands ne peuvent pas revendiquer un tel positionnement.
L’industrie se met au sur-mesure
SI BMW revendique bien le « plaisir de conduire », disposer d’une voiture découle essentiellement du besoin d’un moyen de locomotion. Pour autant, de façon à joindre l’agréable à l’utile, le secteur automobile propose des options rendant le nombre de variantes possibles d’un même modèle quasiment infini. Si le haut de gamme concentrait précédemment le maximum des variations possibles, le milieu ou l’entrée de gamme n’entendent plus se laisser distancer.
« C’est une tendance forte de consommation qui va obliger les constructeurs à choisir leur camp, observe Philippe Claverol, responsable de la ligne DS chez Citroën, Avoir une voiture n’a plus rien de sensationnel. Avoir une voiture qui vous ressemble le redevient ». Du coup, les voitures de luxe cherchent la parade : « Nous sommes déjà des experts établis dans le travail du bois et du cuir. Désormais, nous explorons de nouveaux matériaux rares afin d’offrir davantage de choix à nos clients », réagit Wolfgang Dürheimer, président de Bentley Motors, en évoquant l’insertion d’ardoise et de quartzite en placage intérieur de ses berlines. La course à la surenchère est effectivement ouverte : certains clients (très) fortunés demandent des inserts en bois fossilisé ou… en ivoire de mammouth.
Dans la catégorie des matériels roulants, la personnalisation touche aussi des secteurs plus inattendus, comme les engins de construction. Chez JCB par exemple, « Nous enrichissons notre offre de machines de transport, avec une nouvelle gamme complète de dumpers allant de 1 à 10 tonnes, soit 13 modèles différents », témoigne Christophe Lecarpentier, le directeur marketing de JCB France. Mais la logique de personnalisation va beaucoup plus loin : « chaque véhicule réalisé correspond à une commande précise, qu’elle émane d’une entreprise cliente, d’un concessionnaire ou de la filiale française elle-même. Dans tous les cas, il s’agit d’un modèle précis avec une liste d’options […]. Rien que pour la famille des chariots à mât télescopique, JCB dispose de 26 châssis différents », détaille ainsi l’Usine Nouvelle
Le sur-mesure comme réponse à la complexification croissante
Du BTP au tourisme en en passant par l’automobile, certains traits sont partagés : la satisfaction client repose sur un caractère distinctif, quasi exclusif du produit fini, soit pour satisfaire une envie d’originalité, soit pour répondre à des besoins de plus en plus pointus et spécifiques. « Le marché repose principalement sur la satisfaction client. Un des enjeux principaux pour nous est de tenir notre promesse client : le produit doit être conforme à ce que l’on vend au risque de voir le consommateur de détourner du coffret-cadeau, et à terme d’affaiblir le marché », résume Fabrice Lépine de Wonderbox. Bien qu’il s’exprime dans le cadre très spécifique du marché des coffrets-cadeaux, les conclusions du DG de Wonderbox sont transposables à pratiquement tous les secteurs d’activité : le client est roi et sa satisfaction une priorité.
Le leitmotiv n’est pas nouveau, mais avec les années, le roi est devenu plus exigeant, qu’il s’agisse de qualité, de diversité des gammes ou de potentiel de personnalisation. Et chez Wonderbox comme ailleurs, l’enjeu n’est ni plus, ni moins que l’équilibre du marché. Le consommateur s’est depuis longtemps déjà réapproprié le principe de « produit » et n’est plus simple destinataire d’une « offre ». Par ses exigences, il est devenu avec le temps co-concepteur des gammes, en fonction de ses besoins ou de ses envies. Sans parler véritablement de surprises, c’est en quelque sorte un retour aux fondements économiques : c’est la demande qui dimensionne un marché. Le consommateur est à la fois donneur d’ordre est destinataire in fine des produits. De sa satisfaction, de son goût pour la nouveauté, et parfois, de sa versatilité, dépendent désormais la pérennité de certains marchés. Mais quoi qu’il en soit, l’ère du sur-mesure à tous les atouts pour durer un certain temps.