Le 19 juin 2012, AgroParisTech Alumni recevait deux experts de la santé au travail dans le cadre des Mardis du Quai Voltaire. La soirée très riche autour de Virginie David-Cosme, a permis d'appréhender ce sujet d'actualité et de se pencher sur les signes de mal-être et les leviers possibles pour les managers à la fois « premiers acteurs de la santé au travail », « relais des situations difficiles » mais aussi « promoteurs de la politique de santé au travail».
Observer les changements de comportement
Pour remplir leur mission d'acteur de la santé de leurs collaborateurs, les managers doivent bien observer les changements de comportements, explique-t-elle : difficultés d’adaptation, absentéisme, erreurs, accidents du travail, angoisses collectives, baisse de qualité ou de performance, conflits et tensions…Ils doivent aussi pouvoir activer des leviers qui permettent de motiver ou de limiter le stress et les tensions comme la reconnaissance, la coopération, la gestion du rythme de travail dans un environnement marqué par l’envahissement de la vie privée par la vie professionnelle.
Mais leur mission s’avère très difficile, notamment en France où le travail est une condition d’épanouissement (au contraire de la Suède par exemple où c’est un contrat) et ou paradoxalement les managers sont mal formés à la gestion et au développement des hommes. Pour prévenir et détecter les risques psycho-sociaux, les managers ont besoin de repères et de soutien parce qu’ils sont eux-mêmes les amortisseurs entre leur direction et leurs équipes. Par ailleurs, l’organisation des groupes de discussion autour du travail, l’amélioration du cadre de travail des salariés ainsi que la participation des salariés aux problématiques de l’organisation sont d’autres leviers à activer par les organisations pour contribuer au bien-être au travail.
Donner des repères et une direction aux managers
Pour agir, les managers ont besoin de repères et de savoir jusqu’où ils peuvent aller. Ils doivent être en position d’oser agir et de pouvoir alerter. Ils doivent pouvoir s’entourer d’un collectif composé d’un médecin, des représentants du personnel, des assistantes sociales et des RH. Ils ne peuvent réussir leur mission s’ils sont seuls. « Pour être garants de la santé de leurs équipes mais aussi de leur propre santé, les managers ont besoin d’être soutenus », insiste Virginie Davis Cosme.
Dans la sphère professionnelle, les managers ont un rôle à jouer dans l’épanouissement en veillant à développer les compétences alors qu’ils assument parallèlement des responsabilités difficiles. On attend également d’eux qu’ils soient exemplaires et indulgents. Or, sur ce sujet il y a encore des progrès à faire... Par ailleurs, certains managers sont confrontés à un véritable dilemme et font l’amortisseur entre leur direction qui leurs donne des objectifs irréalisables et leurs équipes qu’ils souhaitent protéger. C’est ainsi que certains d'entre eux prennent des risques en cachant les chiffres à leurs équipes, ce qui les met en porte-à-faux par rapport à leurs valeurs, conduit à des injonctions paradoxales, et parfois à la dépression.
Cela est d’autant plus important en France où le travail est une condition importante d’épanouissement alors que dans d’autre pays, comme les pays du Nord et chez les Anglo-Saxons, le travail est considéré comme un contrat à remplir. Or, en France, le rôle du manager est souvent mal défini et 46% des salariés trouvent que leur management n’est pas de bonne qualité. Par comparaison, aux Pays-Bas, les managers sont des non-experts formés et expérimentés dans la gestion des gens et avec la capacité à les faire grandir en termes de compétences. Pour permettre aux managers d’assurer pleinement leur rôle, l’un des premiers leviers consiste à mettre en place des groupes d’expression entre pairs sur les échanges de bonnes pratiques et de favoriser la liberté d’expression. Cette pratique est une bonne alternative aux réunions d’information descendantes où peu osent prendre la parole.
Un autre levier consiste à confier une problématique de l’entreprise à un groupe de salariés. C’est ainsi que, par exemple, Disney France a demandé à ses salariés de réfléchir à l’amélioration de la diversité dans l’entreprise. Le cadre de travail est également très important. Par exemple, Microsoft revient en arrière par rapport aux open-spaces afin de préserver la discrétion et les lieux de convivialité.
Pour conclure, le bien-être au travail est un équilibre multifactoriel complexe
On peut toutefois contribuer à prévenir les risques psycho-sociaux en formant des managers à la gestion et au développement des gens, à la détection des changements de comportements et en leur laissant la possibilité d’activer certains leviers.
La mise en place de groupes de discussion autour du travail, l’amélioration du cadre de travail des salariés ainsi que la participation des acteurs impliqués dans les évolutions organisationnelles sont également des leviers pour les entreprises et les organisations, en particulier en période de changement.
(Virginie David-Cosme est Consultante chez Formatys)