Les progrès techniques rendent de plus en plus facile l’utilisation de la vidéosurveillance, désormais à la portée des non-initiés. Pourtant, la mise en place de ce dispositif dans les lieux de travail obéit à de nombreuses conditions.
1. Vidéosurveillance dans les lieux de travail ouverts au public
1.1. Cas de recours
Le recours à la vidéosurveillance dans les lieux de travail ouverts au public (restaurant, supermarché,...) est régi par la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité.
L’article 10 de ce texte prévoit plusieurs cas de recours à la vidéosurveillance, notamment pour assurer la sécurité des personnes et des biens lorsque ces lieux sont particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol ou sont susceptibles d'être exposés à des actes de terrorisme.
L'installation d'un tel système est subordonnée à une autorisation du préfet et, à Paris, du préfet de police, donnée après avis d'une commission départementale présidée par un magistrat du siège ou un magistrat honoraire.
Le bénéfice de cette autorisation est réservé aux dispositifs de vidéosurveillance qui ne sont pas utilisés dans des traitements automatisés selon des critères permettant d'identifier, directement ou indirectement, des personnes physiques.
En effet, de tels dispositifs sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, supposant une déclaration auprès de la CNIL.
Par ailleurs, l’autorisation implique que le public soit informé de manière claire et permanente de l'existence du système de vidéosurveillance et de l'autorité ou de la personne responsable.
1.2. Procédure de mise en place
En plus de l’autorisation préfectorale susvisée, l’employeur doit, d’une part, informer et consulter les représentants du personnel et, d’autre part informer individuellement les salariés.
L’information/consultation du comité d’entreprise est requise sur le fondement de deux articles spécifiques :
Article L. 2323-13 du Code du travail :
- « Le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à tout projet important d'introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci sont susceptibles d'avoir des conséquences sur l'emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail. »
Article L. 2323-32, alinéa 3 du Code du travail :
- « Le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés. »
Par ailleurs, le CHSCT doit être informé et consulté sur le recours à la vidéosurveillance, en application de l’article L. 4612-8 du Code du travail.
La Cour d’appel de Paris (CA Paris 5 décembre 2007 n° 07-11402) a retenu cette solution concernant l’enregistrement automatique des communications des salariés.
Enfin, chaque salarié doit être individuellement informé, conformément à l’article L. 1222-4 du Code du travail selon lequel « aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance. »
2. Vidéosurveillance dans les lieux de travail non ouverts au public
2.1. Cas de recours
Le recours à la vidéosurveillance doit respecter, en ce cas, le principe énoncé à l'article L. 1121-1 du Code du travail selon lequel nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
La mise en œuvre d'un système de vidéosurveillance doit nécessairement respecter ce principe de proportionnalité, ce qui signifie qu’elle doit s'effectuer de façon adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à l'objectif poursuivi.
Comme l’indique la CNIL Guide Cnil pour les employeurs et les salariés, édition 2010), « si le déploiement de tels dispositifs sur un lieu de travail répond généralement à un objectif sécuritaire (contrôle des accès aux locaux, surveillance de zones de travail à risques), il ne peut ainsi avoir pour seul objectif la mise sous surveillance spécifique d'un employé déterminé ou d'un groupe particulier d'employés. »
Ainsi, la vidéosurveillance ne peut avoir pour seul but de contrôler l'activité professionnelle des salariés.
2.2. Procédure de mise en place
Le dispositif de vidéosurveillance ne peut être installé que s’il a préalablement fait l’objet d’une déclaration normale auprès de la CNIL, sauf désignation d’un correspondant informatique et libertés.
Un dispositif qui n’aurait pas fait l’objet d’une déclaration à la CNIL ne serait pas opposable aux salariés.
Par ailleurs, les représentants du personnel (CE et CHSCT) doivent être informés et consultés préalablement, et les salariés doivent être individuellement informés, dans les conditions susvisées (cf. § 1.2).
Dans un arrêt du 10 janvier 2012 (Cass. soc. 10 janvier 2012 n° 10-23.482), la Cour de cassation a jugé que si l’employeur a le droit de contrôler l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un dispositif de vidéosurveillance installé sur le site d’une société cliente, si les salariés n’ont pas été préalablement informés de l’existence de ce dispositif.
Par conséquent, l’information des salariés concerne tant la vidéosurveillance dans les locaux de l’entreprise que dans ceux des entreprises clientes.
3. Vidéosurveillance dans les lieux non accessibles aux salariés
L’installation d'un dispositif de vidéosurveillance destiné à assurer la protection de pièces ou locaux non accessibles aux salariés n’est soumise à aucune condition particulière.
A titre d’exemple, l'employeur est libre de mettre en place des procédés de surveillance des entrepôts ou autres locaux de rangement dans lesquels les salariés ne travaillent pas (Cass. soc. 31 janvier 2001 n° 98-44.290).
Si un salarié accède malgré tout à un tel local, l'employeur peut se prévaloir des éléments recueillis au moyen de ce système de vidéosurveillance pour établir la preuve des faits reprochés à l'intéressé, comme un vol ou une dégradation de matériel (Cass. soc. 19 avril 2005 n° 02-46.295).
Par conséquent, dans cette hypothèse, l’employeur n’a ni à informer/consulter les représentants du personnel ni à informer les salariés.
Avocat Associé
OCEAN AVOCATS