Ryane MERALLID’après la définition donnée par Gérard Cornu dans son Vocabulaire juridique, la réputation est la « façon dont une personne est considérée par la société, qualité qui lui est reconnue » et l’auteur précise qu’elle est « parfois synonyme d’honneur »*. La réputation parait comme un élément essentiel de la notoriété des entreprises. Une variante est apparue depuis quelques années : l’e-réputation, qui peut évoquer la réputation sur Internet mais qui signifie en réalité, la gestion de la réputation sur Internet. Ce qui va englober les actions de communication et de gestion d’image sur le web qui peuvent l’influencer.

 

Avec le développement de la communication sur Internet, la vitesse de circulation des informations a considérablement augmenté, il est donc devenu nécessaire de gérer ses informations pour en maîtriser, le mieux possible le contenu. Cette gestion fait aujourd’hui l’objet d’un véritable marché en forte croissance, de nombreux opérateurs proposent de la veille sur Internet ou de l’aide à la communication.

La nécessité de cette gestion comprend l’obligation de réagir aux informations négatives qui peuvent circuler, pour cela il faut recourir à divers moyens de défense contre les atteintes. Une série d’actions spécifiques a été mise, en place en pratique, telles que la notification de l’atteinte à l’hébergeur du site émetteur ou l’utilisation du droit de réponse instauré par la loi sur la confiance en l’économie numérique de 2004. Mais plus traditionnellement, il existe des moyens judiciaires mis à la disposition du chef d’entreprise en cas d’atteinte à sa réputation, qui sont détaillés, ci-dessous.

Pour cette défense contre les atteintes à la réputation sur le web, le recours aux outils classiques du droit de la presse et de la communication s’impose, Internet n’étant qu’un nouveau média dont l’effet se caractérise par une accélération de la diffusion et donc l’augmentation de l’atteinte.
En amont, la responsabilité de trois acteurs peut être engagée concomitamment,  ce sont :

  • celle de l’auteur du contenu litigieux, qui est responsable de plein droit de ce qu’il a écrit ;
  • celle l’éditeur ou le distributeur de ce contenu dont la responsabilité peut être engagée s’il a effectué un contrôle du contenu et qu’il en a décidé la mise en ligne. Dans le cas particulier des atteintes provenant d’internautes, qui apparaissent dans ce que la nouvelle loi HADOPI de 2009 appelle « les espaces de contribution personnelle » (forum, blogs…), la responsabilité de l’éditeur ou du distributeur peut être engagée seulement s’il est établi qu’il avait connaissance du contenu illicite et qu’il n’a pas agi promptement pour retirer le message ;
  • et enfin, celle de l’hébergeur du site dont normalement la responsabilité ne peut pas être engagée, sauf s’il est prouvé qu’il a eu connaissance du caractère illicite du contenu et qu’il n’a pas agi promptement.

Mais des actions judiciaires plus traditionnelles mais néanmoins appropriées, peuvent être aussi engagées. Les deux premières sont l’action en diffamation et l’injure, elles visent des atteintes à la personne et sont sanctionnées comme des abus de la liberté d’expression. La troisième, l’action en dénigrement, est, elle, utilisée contre des atteintes aux produits et aux services et découle du principe de la responsabilité civile.

 

-    L’action en diffamation.

C’est la plus fréquemment mise en œuvre ; selon l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ». Cette action peut être engagée lorsqu’une personne est accusée de faits non prouvés, qui portent atteinte à son honneur ou à sa considération. Ainsi M..X, homme d’affaires, a fait l’objet d’un article publié sur Internet qui l’accuse d’escroquerie, d’arnaque, et d’activités en lien avec la mafia ; sur ce point, la diffamation est avérée. Au contraire, la critique, portée sur des dépôts de marque qu’il a effectués, ne constitue pas une diffamation. Le dépôt de marque n’est pas un acte illégal en soi et le jugement critique reste toujours autorisé même lorsqu’il est véhément (cf. Cass. Crim. 11 mars 2008, n°07-82.484). Cet exemple permet de distinguer la diffamation, qui est constituée d’allégations factuelles non fondées, d’une critique, même virulente.

La diffamation peut viser des propos proférés sous forme dubitative ou, encore, si la personne visée n’est pas expressément nommée mais est rendue identifiable par les termes employés. Dans un autre exemple, une société cherchait à faire qualifier de diffamatoires des propos tenus à son encontre, ceux-ci avaient été publiés dans une enquête journalistique qui relatait des règlements de comptes mafieux parmi lesquels ceux qui s’étaient déroulés, devant le restaurant propriété de la société, au moment de la parution de l’article. Selon cette société, par association d’idée, la citation de son restaurant comme un des lieux du crime laissait à penser qu’elle était impliquée dans des réseaux mafieux. Mais, au moment des faits relatés, la société n’était pas propriétaire du restaurant, la Cour d’appel a donc décidé qu’elle ne pouvait pas, dès lors agir en diffamation (cf. CA Bastia, Ch. Civile A, 9 juin 2010, n°09/00757).

L’action en diffamation a pour objet principal d’obtenir un retrait des propos litigieux et, dans certaines conditions, l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée. L’auteur de la diffamation pourra aussi être condamné à verser à la victime des dommages et intérêts, et à une amende de 12 000€ (cf. articles 32 de la loi de 1881, et articles 2, 475-1 et 618-1 du Code de procédure pénale). 


-    La deuxième action prévue au même article 29, de la loi sur la presse, vise l’injure.

Selon l’alinéa 2 de l’article cité, « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ». Cette action vient compléter celle en diffamation, et donnera lieu aux mêmes sanctions que celles prévues pour cette dernière à savoir le retrait des propos injurieux, l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, le paiement de dommages et intérêts et une amende de 12000 € (cf. article 33 de la loi de 1881 et articles 2, 475-1 et 618-1 du Code de procédure pénale).

Une aggravation des sanctions est prévue lorsque les propos sont de plus, discriminatoires : propos tenus en raison de l’origine de la personne visée, de son sexe, de son orientation sexuelle ou encore d’un handicap de celle-ci, etc. L’amende alors, peut être plus importante et être assortie d’une peine de prison.

 

-    Enfin, à ces deux actions principales pour préserver sa réputation, se rattache une troisième action, l’action pour cause de dénigrement.

Cette action se rattache au principe général de la responsabilité civile énoncé à l’article 1382 du Code civil. Mais, comme toutes les actions qui se rattachent à l’article 1382, l’action de dénigrer est difficile à déterminer car elle n’est pas définie par la loi, elle est le résultat d’une construction jurisprudentielle. Selon certains auteurs, le dénigrement serait « l’action de décrier ouvertement un concurrent, ou un produit rival, de rabaisser sa renommée dans l’esprit de la clientèle, de la discréditer »  . Et la réparation se fera par l’octroi de dommages et intérêts.

 

La mise en œuvre de ces trois actions obéit à des règles précises.

La difficulté se trouve dans la mise en œuvre des actions en diffamation ou pour injure dont le délai de prescription est très court : trois mois à compter de la première diffusion. Il faut donc réagir très vite. La majeure partie des actions en diffamation intentées le sont hors délai. En revanche le délai de prescription pour agir en dénigrement est de 5 ans à compter du jour de la prise de connaissance de l’atteinte.

Mais, en droit pénal, la qualification des faits est très stricte et il est impossible de revenir  à  une action en dénigrement, pour détourner le délai de prescription très court des actions en diffamation ou pour injure. L’explication à cela est qu’en matière de liberté d’expression, lorsque les éléments de la diffamation ou de l’injure sont réunis, il n’est possible d’agir que sur le fondement de la loi de 1881 sur la presse et de son article 29 analysé ci-dessus. Se fonder sur l’article 1382 du Code civil est totalement exclu. Il faut être très vigilent car une erreur de fondement entraînera le non respect du régime procédural de l’action applicable et dans la plupart des cas le dépassement du délai de prescription. La Cour de cassation l’a souvent rappelé, comme dans l’arrêt de la 2e chambre civile du 16 décembre 2010 où elle a décidé que  « les abus de la liberté d’expression, prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, ne peuvent être poursuivis et réparés sur le fondement de l’article 1382 du code civil ; qu’il appartient aux juges de restituer aux faits leur exacte qualification sans s’arrêter à la dénomination que les parties leur auraient proposée ; […] que les propos constituaient des injures publiques ; […] que l’action ne pouvait être engagée plus de trois mois après la réception des lettres incriminées, que les actes fondés à tort sur l’article 1382 du code civil n’ont pu interrompre la prescription » (cf. Cass. civ 2, 16 décembre 2010, n°10-11.469).

Il est possible d’agir sur le terrain de la responsabilité civile seulement dans les cas où la loi sur la presse ne s’applique pas, principalement lorsque l’atteinte est portée à un produit ou à un service de la personne ou du groupe, ainsi en est-il des actions des associations de défense environnementale qui détournent les marques de grands groupes (cf. Cass. Civ 1, 8 avril 2008, n°07-11.251). Les actions en diffamation ou pour injure sont, elles, exclusivement dirigées contre des atteintes à la personne elle-même.

* Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 2002, Paris


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