Les droits de propriété intellectuelle sont essentiels à l’essor pérenne d’une entreprise en France. Ils le sont d’autant plus, si celle-ci prétend à un développement à l’international.
La sécurisation des marchés à l’étranger et leur négociation sous forme de conventions, notamment de contrats de licence, franchise, distribution ou d’accords de « joint venture » avec des entreprises locales, reposent sur l’existence préalable de droits de propriété intellectuelle.
Sans la protection qu’ils procurent, l’entreprise risque non seulement d’être contrefaite par la concurrence, mais s’expose également au danger d’être elle-même taxée de contrefaçon.
Partant, le fait d’exporter des produits, en utilisant le nom commercial de l’entreprise, sans avoir déposé de marque, constitue une erreur de stratégie manifeste.
Il suffit de prendre, pour exemple, le prix de la communication sur une marque dont l’exportation s’avère impossible pour des motifs linguistiques ou juridiques dans le pays cible.
L'objectif ici est donc d’apporter aux dirigeants un éclairage pratique sur les principaux écueils à éviter lors d’une extension d’activités à l’étranger.
- Le rôle de la propriété intellectuelle dans le développement à l’international
Disparité des normes
Si le droit de la propriété intellectuelle est encadré par des normes internationales, bon nombre de législations nationales présentent encore d’importantes disparités. Un exemple topique est la différence de législation en matière de brevets entre les Etats-Unis, d’une part, où celui-ci est délivré au premier inventeur, et la France, d’autre part, où il est délivré au premier déposant. Le droit d’auteur est une autre illustration de ces disparités, la protection naissant dans bon nombre de pays du seul fait de la création, alors qu’elle implique dans d’autres, le dépôt officiel d’un dessin ou modèle industriel.
Avant même d’exporter, il apparaît donc du plus grand intérêt de prendre en compte la législation en vigueur dans le pays vers lequel on souhaite exporter.
Réalité territoriale
D’aucuns pensent que les droits attachés en France à leur marque, dessin, modèle ou brevet s’étendent automatiquement au monde entier. Or, le droit de la propriété intellectuelle est fondé sur le principe de la territorialité. De ce fait, les droits ne prennent effet, à de rares exceptions près, qu’au jour où le titre a été déposé et enregistré sur un territoire concerné. Ainsi, une marque enregistrée en France n’a d’effets que sur le territoire de l’Hexagone.
Pour être efficiente, la conquête d’un nouveau marché nécessite, par conséquent, une extension préalable des droits nationaux, à défaut de quoi, la concurrence pourrait impunément copier, imiter ou reproduire, sans aucun frais d’études préalables, les marques, produits ou services créés et conçus par une entreprise exportatrice.
- La mise en œuvre de la propriété intellectuelle dans le développement à l’international
Protection anticipative des droits de propriété intellectuelle
L’obtention de certains droits de propriété intellectuelle, dont les brevets, dessins et modèles industriels, requiert l’accomplissement de formalités de protection auprès des Offices nationaux étrangers, et ce dans des délais réglementés, notamment ceux instaurés par la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, dits : « délais de priorité unioniste ».
Cette Convention prescrit un délai de douze mois pour l’extension des brevets et de six mois pour celle des marques, dessins et modèles industriels.
Par cet instrument juridique, tout bénéficiaire d’un dépôt régulier dans un des Etats membres de la Convention de Paris, pourra, à l’intérieur des délais de priorité précités, obtenir une extension de ses droits, dans tout ou partie des 172 autres pays adhérents. Ainsi, ce déposant sera immunisé contre toute divulgation intempestive ou tout droit s’intercalant entre son dépôt initial et son extension internationale.
Par ailleurs, pour tenir compte du coût élevé lié aux procédures nationales (qui imposent, le plus souvent, la désignation obligatoire de mandataires locaux), des systèmes de protection régionaux et internationaux sont prévus afin de favoriser, à coût réduit, l’extension des droits de propriété intellectuelle.
Partant, il est impératif que l’entreprise arrête une stratégie de protection réfléchie, à long terme, au regard des mécanismes de protection disponibles, avant de procéder, dans les délais prescrits, à l’extension de ses droits nationaux.
Sécurisation des marchés à l’exportation
Exporter, sans vérifier que les produits ou services ne portent pas atteinte aux droits des tiers sur le marché considéré, peut entraîner de sérieuses déconvenues financières.
Au-delà du risque de contrefaçon, l’entreprise exportatrice peut également se heurter à d’autres aléas juridiques, notamment dans l’hypothèse où elle exporte des produits dont la fabrication intègre des licences d’exploitation de partenaires. Pour éviter ce genre d’écueils, l’entreprise devra s’assurer, avant toute initiative, que le champ territorial de ladite licence l’autorise à commercialiser sur le marché d’exportation.
Contractualisation avec des partenaires locaux
1. Divulgation prématurée d’informations et défaut d’accord de confidentialité
Il est malencontreusement fréquent que l’entreprise exportatrice divulgue des informations spécifiques à de futurs partenaires locaux, sans avoir pris la précaution de conclure, au préalable, un accord de confidentialité ou de solliciter une protection anticipative de ses droits sur le territoire considéré. Or, cette divulgation prématurée ou exempte de garanties juridiques suffisantes peut s’avérer hautement préjudiciable. Elle est susceptible de ruiner la nouveauté du produit et de s’opposer ainsi à sa protection ultérieure par le dépôt d’un brevet et/ou d’un dessin ou modèle industriel.
Plus grave encore, un tiers pourrait s’emparer de ces informations pour solliciter, à son profit, une protection, privant, de ce fait, l’entreprise de faire commerce sur le marché considéré.
Il importe donc d’être vigilant et de s’assurer, avant toute démarche partenariale, des précautions contractuelles et des protections juridiques qui s’imposent.
2. Titularité des droits de propriété intellectuelle en cas de sous-traitance
De nombreuses entreprises ont recours à la sous-traitance internationale. Or, il n’est pas rare que ces entreprises omettent de protéger leurs droits de propriété intellectuelle dans les territoires où celle-ci a lieu. Parfois même, elles négligent d’insérer, dans les contrats les liant aux entreprises étrangères, des clauses relatives à la propriété des inventions, créations ou marques.
Ces omissions risquent in fine d’aboutir à des malentendus, voire des conflits, quant à la titularité des droits de propriété intellectuelle en cause.
3. Octroi de licence sans droit de propriété intellectuelle
Il est essentiel que l’entreprise qui concède, par exemple, une licence de fabrication de ses produits puisse garantir le licencié de l’existence de droits de propriété intellectuelle sur le territoire contractuel. A défaut, sa responsabilité pourrait être recherchée, tant au regard de la nullité du contrat pour défaut d’objet, que sous l’angle délictuel.
En conclusion, la propriété intellectuelle est devenue un facteur incontournable de toute stratégie d’exportation et les entreprises ont l’impérieuse nécessité d’en tenir compte, si elles veulent prévenir et limiter les risques juridiques et commerciaux, tant à l’égard de la concurrence étrangère que de leurs partenaires locaux.
La protection des droits de propriété intellectuelle doit répondre à une stratégie à long terme et ne peut se définir au coup par coup. Certes, cette protection constitue un investissement non négligeable en termes de temps et de coût, mais elle est un passage obligé pour sécuriser les démarches commerciales et assurer une exportation fiable et durable.
IP Sphere
Conseil en propriété intellectuelle