Toute entreprise française qui signe avec une entreprise étrangère (qu’elle soit européenne ou d’un pays tiers) un contrat de prestations de service est tenue de vérifier que son prestataire de service étranger est bien en règle par rapport à la législation de son pays d’implantation et de la France. Ces vérifications sont obligatoires et assez fastidieuses, mais il faut absolument s’y tenir pour ne pas risquer d’être déclaré complice des manquements éventuels du prestataire de service étranger, ce qui peut avoir un coût très élevé.
Nota bene : nous abordons ici exclusivement la situation des co-contractants établis à l’étranger, qui sont soumis à des exigences différentes des co-contractants établis en France.
Détacher du personnel auprès du donneur d’ordre :
Si, dans le cadre de la prestation de service, l’entreprise étrangère a besoin de faire travailler un de ses salariés dans une société d’accueil en France, pour un temps bien déterminé, avec une mission bien précise, pour apporter son savoir-faire et ses compétences comme un service à l’entreprise d’accueil en France, il peut le « détaché ». Le détaché garde son lien de subordination juridique avec sa société d’origine et n’entretient aucun lien hiérarchique
avec la société d’accueil en France. Il est employé par la société d’origine sous contrat de travail étranger. Pour avoir le droit de venir travailler en France, il lui faut obtenir une autorisation de travail, sauf s’il est un ressortissant européen.
En effet, les articles L 1261 et 1262 du code du travail encadrent bien le détachement en le décrivant comme un « Salarié d’un employeur régulièrement établi exerçant son activité hors de France travaillant habituellement pour le compte de celui-ci exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le sol français ».
Bien que le travailleur concerné ne soit pas « salarié » avec un contrat de travail français, la législation française lui accorde le statut de « salarié détaché » (puisqu’il dispose d’un contrat de travail étranger, et est donc salarié de son entreprise étrangère). Il est considéré comme un détaché « long séjour » dès lors que sa mission en France dure plus de trois mois. De ce fait, il doit obtenir une carte de séjour, qui intègrera son autorisation de travail (la carte de séjour vaut autorisation de travail).
Afin de lutter contre le dumping social et d’éviter que des entreprises françaises ne délocalisent à l’étranger pour ensuite détacher de la main-d’oeuvre moins chère en France, ayant ainsi recours à de la concurrence déloyale, le détachement est strictement encadré en France. Les administrations sont pointilleuses pour attribuer ce statut.
Elles examinent notamment de près le lien de subordination qui existe entre le détaché et son employeur, pour vérifier qu’il a véritablement droit au statut de détaché. En effet, un détaché doit entretenir un lien de subordination exclusif avec l’employeur étranger, qui doit être le seul habilité à donner des ordres, définir les missions et les projets, contrôler la bonne exécution des tâches confiées et sanctionner les fautes. Aux questions suivantes, la réponsen doit toujours être « l’entreprise étrangère » : de qui le travailleur reçoit-il son salaire ? Avec qui a-t-il signé son contrat de travail ? Qui lui donne des ordres ? Concrètement, cela veut dire que l’entreprise d’accueil en France n’a pas le droit de donner des ordres au détaché, ni de le sanctionner pour une faute, elle ne doit pas lui fournir une adresse e-mail avec son propre nom de domaine ni lui envoyer ses mémos internes. Pour toutes ces choses, l’entreprise d’accueil doit passer par un intermédiaire, un « encadrant », salarié de l’entreprise étrangère. A défaut, le détachement peut être requalifié en CDI par l’Inspection du Travail…
Déclarations préalables :
L’entreprise étrangère doit procéder à une ou plusieurs déclarations à l’Inspection du Travail, en plus des autres démarches pour obtenir une autorisation de travail. Ainsi, elle doit impérativement faire une déclaration préalable avant le début de la mission en France. Elle doit aussi faire une déclaration en cas d’accident du travail si le détaché n’est pas affilié à la sécurité sociale française. La déclaration doit être adressée par RAR, télécopie ou transmission électronique à l’Inspection du Travail du lieu où s’effectue la mission, avant le début de la prestation. Elle doit comporter impérativement les informations suivantes :
- le nom ou la raison sociale
- l’adresse ainsi que les liens de l’employeur étranger avec l’entreprise ou l’établissement d’accueil
- les nom et adresse du donneur d’ordre
- l’adresse du ou des lieux où s’effectuera la prestation
- l’identité et l’adresse du représentant de l’entreprise en France pour la durée de la prestation
- le nom, prénom, date de naissance et nationalité du salarié détaché
- sa qualification professionnelle
- sa rémunération brute mensuelle durant le détachement
- l’objet, la durée prévisible et le lieu de la réalisation de la mission.
- la nature du matériel ou des procédés de travail dangereux utilisés
- les horaires de travail, les heures et la durée du repos des salariés détachés
- le cas échéant, l’adresse du lieu d’hébergement collectif des salariés.
Obligation de vigilance de la part du donneur d’ordre :
Il est important de procéder aux vérifications obligatoires permet de s’assurer que le prestataire de service étranger est en règle par rapport aux législations étrangère et française et de limiter les risques de poursuites judiciaires par la suite, soit de vérifier :
1 - que l’entreprise étrangère existe bien légalement dans son pays d’origine, est régulièrement établi et exerce son activité hors de France ;
2 - qu’elle emploie légalement ses salariés ;
3 - qu’elle respecte bien la législation française en ce qui concerne l’emploi de travailleurs étrangers, la sécurité sociale, les charges sociales et les impôts :
· que les travailleurs étrangers bénéficient bien d’une autorisation de travail et d’une carte de séjour, le cas échéant ;
· qu’ils sont bien couverts par un régime de sécurité sociale :
- soit à l’étranger s’ils sont détachés de la sécurité sociale de leur pays d’origine ;
- soit en France s’il n’existe pas de convention de sécurité sociale entre la France et le pays d’origine.
· qu’ils reçoivent bien un bulletin de paie « à la française » indiquant que la législation française est bien respectée en terme de : SMIC, congés payés, RTT, 35 h, etc. ;
Documents à remettre de la part de l’entreprise étrangère :
L’entreprise française qui accueillera les étrangers sur son site doit se faire remettre un certain nombre de documents de la part de son partenaire étranger, à la signature du contrat et tous les six mois jusqu’à la fin du contrat.
Les documents doivent être fournis en français ou, s’ils sont rédigés en langue étrangère, être traduits en français par un traducteur assermenté en France.
a. Concernant l’entreprise étrangère :
1°) Tout document (équivalent du K-bis) mentionnant le « numéro individuel d’identification » du prestataire étranger, c’est-à-dire l’équivalent du SIRET ou SIREN dans le pays concerné. Si le pays d’origine ne bénéficie pas d’un accord de sécurité sociale avec la France, l’entreprise étrangère devra s’immatriculer auprès de la sécurité sociale française et obtiendra donc un numéro SIRET ou SIREN, qu’elle devra fournir à son client français.
S’il n’existe pas d’équivalent SIRET ou SIREN dans le pays d’origine, tout document officiel mentionnant son identité et son adresse ainsi que les coordonnées de son représentant fiscal en France, s’il en a un.
2°) Un justificatif d’immatriculation auprès du registre des métiers, lorsqu’elle est obligatoire. Ce justificatif peut prendre la forme d’un document officiel émanant de l’équivalent de l’URSSAF dans le pays étranger ou tout document professionnel (devis, plaquette publicitaire, lettre sur papier à en-tête) mentionnant le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et la nature de l'inscription au registre professionnel.
Pour les entreprises en cours de création, un document datant de moins de six mois émanant de l'autorité habilitée à recevoir l'inscription au registre professionnel et attestant de la demande d'immatriculation audit registre.
b. Concernant les travailleurs étrangers :
1°) Les cartes de séjour ou autorisations provisoires de travail
2°) Pour une prestation de services d’une durée supérieure à un mois, une attestation sur l’honneur établie par ce cocontractant certifiant de la fourniture à ces salariés de
bulletins de paie « à la française ».
3°) L’attestation de détachement de la sécurité sociale étrangère si le pays d’origine et la France ont signé un accord. Sinon, la preuve de l’immatriculation du prestataire étranger auprès de l’URSSAF du Bas-Rhin française. Ce document doit toujours dater de moins de six mois.
En cas de non-détachement de la sécurité sociale étrangère, l’entreprise étrangère doit également fournir une attestation de fourniture de déclarations sociales (Déclaration unique d’embauche notamment).
Si, à l’occasion de contrôles de l’Inspection du Travail et/ou de l’URSSAF, il s’avère que l’entreprise étrangère ne respecte pas ses obligations à l’étranger et en France, le travail de ses employés en France sera considéré comme du « travail dissimulé », qui est une des formes du « travail illégal ». Or le travail dissimulé est très sévèrement puni. Si l’entreprise française donneur d’ordre ne s’est pas procurée les documents mentionnés ci-dessus tous les six mois, elle sera considérée comme complice de ce travail dissimulé et devra s’acquitter solidairement de son prestataire étranger des amendes et redressements encourus, ou payer le montant total si l’entreprise étrangère est défaillante.
Nicole Koenz Flaig
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