Un savoir-faire qui rime avec réussite
La franchise est un procédé qui repose sur la réitération et l’amplification du succès commercial du franchiseur. Tout en exerçant son activité de manière indépendante, le franchisé bénéficie de la réussite des unités pilotes par une transmission organisée d’un savoir-faire.
Le nouveau règlement communautaire du 20 avril 2010, entré en vigueur le 1er juin 2010, confirme la définition de ce savoir-faire qui depuis le règlement d’exemption catégorielle du 30 novembre 1988 « doit être entendu comme un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci ».
Par « secret », on entend que le savoir-faire est difficilement accessible, et que sa transmission par le franchiseur confère au franchisé un avantage concurrentiel significatif.
Cet avantage doit se concrétiser par la réussite économique du franchisé dès lors qu’il respecte les consignes qui lui ont été transmises.
Afin de tenter de s’affranchir de leurs propres obligations contractuelles, des franchisés tentent régulièrement de démontrer en justice que le savoir faire transmis par leurs franchiseurs lors de la signature du contrat était dénué des conditions requises dans la définition du texte communautaire, et agissent sur le terrain du dol.
Si la majorité des franchisés réussit, c'est bien que le franchiseur a rempli ses obligations et que son concept est efficace et donc utile. Ce pragmatisme économique de nos juges illustre l’intérêt commun des partenaires liés par un contrat de franchise, dont les réussites réciproques se renforcent mutuellement et sont l’essence même du dynamisme d’un réseau.
Le cas « le Pétrin Ribeïrou »
Un long feuilleton judiciaire entre le franchiseur titulaire de la marque de boulangeries « le Pétrin Ribeïrou », qui identifie un procédé de fabrication mis au point et développé dans des magasins pilotes permettant à des néophytes initiés de reproduire une gamme complète de pains au levain « à l’ancienne », et certains franchisés dissidents qu’il soutenait que le procédé de panification n’aurait été que la mise en oeuvre d’une technique largement répandue dans le domaine de la boulangerie et donc n’avait aucun caractère secret.
Déjà dans un arrêt en date du 18 novembre 2008 (Chambre commerciale, N° 07-18.599), la Cour de cassation avait donné raison au franchiseur quant au caractère secret de son savoir-faire.
Une série de décisions récentes de juges du fond va plus loin. Ainsi la Cour d’appel de Dijon dans deux arrêts en date du 17 décembre 2009 estime que le système mis au point par le franchiseur « a fourni à ses partenaires liés par un contrat de sous licence un ensemble de savoir-faire, de prestations, d’assistance technique et commerciale qui a permis à de multiples personnes dépourvues de toute formation en matière de panification et de commercialisation du pain et des produits dérivés de gérer et d’exploiter avec succès un fonds de commerce de boulangerie ».
Autrement dit le succès des franchisés démontre qu’un véritable savoir faire a été transmis aux franchisés, qui repose sur un procédé permettant à des franchisés néophytes de disposer d’un outil de travail complet, identifié par une marque protégée.
La Cour d’appel de Besançon dans une décision en date du 9 avril 2010 met aussi en avant l’originalité du système mis en place par le franchiseur ainsi que la notoriété de la marque « Le pétrin Ribeïrou », pour considérer que le savoir faire répondait aux exigences communautaires. Cet arrêt fait en effet référence à l’originalité du procédé, fournissant au franchisé notamment une méthode de pétrissage et de cuisson ainsi qu’un levain permettant aux franchisés n’ayant aucune connaissance spécifique en matière de boulangerie de produire des pains biens identifiables. À ceci s’ajoutaient des méthodes de commercialisation spécifiques.
Il avait déjà été admis par la jurisprudence (Com., 1er juillet 2003. D. affaires 2005, p. 154, obs. D. Ferrier) que la description complète de la méthodologie tant en ce qui concerne le procédé technique que les aspects commerciaux et d'organisation du réseau constituaient un savoir faire substantiel que le franchisé n'aurait pu découvrir qu'à la suite de recherches personnelles longues et coûteuses.
Il apparaît désormais bien établi que la réussite économique des franchisés d’un réseau constitue un élément probant de la réalité de la transmission du savoir-faire du franchiseur.
Les arrêts Pétrin Ribeïrou s’inscrivent ainsi dans ce courant jurisprudentiel qui apprécie la substance du savoir faire et la satisfaction aux critères posés par le droit communautaire de ce que ce savoir faire était original, conférait aux franchisés la possibilité de pouvoir profiter de la notoriété du franchiseur et plus largement permettait au franchisé de connaitre un succès certain, ce qui prouve par la même que ce savoir faire lui a été utile.
Cela rejoint d’ailleurs la notion d’utilité contenue dans la définition de la substantialité du savoir-faire, dans le nouveau règlement communautaire.
Philippe Marin
Avocat expert de l’IREF, la fédération des Réseaux Européens de Partenariat et de Franchise
http://www.franchise-iref.com/