L’arrêt du 28 janvier 2010 rappelle que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur, et ajoute que celui-ci peut être constitué par le non respect des prescriptions du médecin du travail.
En l’espèce, une salariée responsable de rayon dans un grand magasin est déclarée, lors d’une visite de reprise suite à un arrêt maladie, apte sous réserves de la non exécution de port de manutention répétée et de port de charges lourdes.
Or, son employeur n’a pas respecté les restrictions imposées par le médecin du travail provoquant de nombreux arrêts de travail. En conséquence, la Cour de cassation considère la salariée victime de harcèlement moral, estimant que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lorsque sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
Ainsi elle considère, en l'espèce, que le harcèlement moral est caractérisé dès lors que l'employeur avait imposé à la salariée de manière répétée, au mépris des prescriptions du médecin du travail, d'effectuer des tâches de manutention lourde qui avaient provoqué de nombreux arrêts de travail puis, au vu des avis médicaux successifs, qu'il avait proposé des postes d'un niveau inférieur à celui d'agent de maîtrise, de plus incompatibles avec les préconisations du médecin du travail.
Cet arrêt marque un pas de plus dans la tendance à « objectiviser » la constitution du harcèlement moral en faveur des salariés. Mais la Cour de cassation va encore plus loin, et dans deux arrêts rendus le 3 février 2010, elle affirme que l'employeur ne satisfait pas son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales ou de harcèlement, exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements.
La Haute Cour considère qu’un tel manquement justifie la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans les deux espèces, l’employeur, après avoir eu connaissance des agissements litigieux, avait adopté des mesures tenant à y remédier. Ainsi, dans le premier arrêt, à la suite d’une altercation entre la salariée et le directeur de l’établissement où celle-ci travaillait, leur employeur les sa muté dans d’autres établissements et a adressé un avertissement au directeur. Et dans le second, après avoir appris le harcèlement moral et sexuel que subissait une salariée de la part d’un directeur associé, leur employeur a adopté des mesures conservatrices et protectrices pour permettre à la salariée d’effectuer son travail en toute sécurité et sérénité. Néanmoins, la Cour de cassation considère que s’agissant d’une obligation de résultat, dès lors que le dommage est causé, l’employeur a manqué à cette obligation, bien que celui-ci ait été diligent et ait adopté des mesures en vue de faire cesser les agissements dommageables.
Ces deux arrêts insistent sur l’obligation pesant sur l’employeur en matière de sécurité et de santé des salariés sur le lieu de travail. Les possibilités d’exonération de sa responsabilité au titre de son obligation de sécurité sont strictement encadrées, la simple vigilance ne suffit plus.
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