L’employeur est parfois confronté à l’absence prolongé de son salarié, qui ne lui donne aucune nouvelle et ne lui adresse aucun justificatif. Face à ce que l’on appelle un « abandon de poste », il n’est pas toujours aisé de déterminer le comportement à adopter.
1. Comment l’employeur doit-il réagir face à un abandon de poste ?
Si le salarié s’absente de son travail sans motif, la première réaction de l’employeur doit consister à s’interroger sur le motif de cette absence. Il est possible, en effet, que le salarié soit malade ou dans l’incapacité de justifier de son absence pour une raison ou pour une autre.
Aussi, il est conseillé d’appeler le salarié ou ses proches, ou de leur envoyer un email ou un courrier, afin de tenter de connaître le motif de l’absence du salarié.
En l’absence de nouvelles, il convient d’envoyer une lettre recommandée avec avis de réception au salarié, afin de le mettre en demeure de reprendre son poste ou de justifier de son absence.
A défaut de réponse, il est possible de convoquer le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement.
2. Y a-t-il des délais particuliers à respecter ?
Il est important d’agir assez vite en cas d’abandon de poste, puisque l’absence sans motif du salarié est censée causer un préjudice à l’employeur.
La Cour de cassation a ainsi pu juger que l'employeur, ayant engagé une procédure de licenciement plus de 6 semaines après un abandon de poste, ne saurait invoquer une faute grave à l'appui du licenciement (Cass. soc. 6 décembre 2000 n° 98-43441).
Rappelons également que, selon l’article L. 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.
Sur le fondement de ce texte, la Cour de cassation considère que l'abandon de poste, qui présente un caractère instantané, ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà du délai de 2 mois (Cass. soc. 29 janvier 2003 n° 01-40.036).
3. Le versement du salaire doit-il être suspendu ?
Le salaire étant la contrepartie du travail fourni par le salarié, l’absence injustifiée entraîne nécessairement la suspension de sa rémunération.
La Cour de cassation se prononce naturellement dans ce sens (Cass. soc. 17 novembre 2010 n° 09-41.280).
En revanche, le salarié ne perd pas son droit aux éléments de rémunération déconnectés de son temps de présence (ex. commissions dues à un négociateur immobilier).
Le bulletin de salaire doit faire mention de la période d’absence injustifiée du salarié et de la retenue de rémunération correspondante.
4. Peut-on considérer que le salarié est démissionnaire ?
La démission, visée à l’article L. 1231-1 du Code du travail, ne peut résulter que d'une manifestation non équivoque de la volonté du salarié de quitter son poste.
Par conséquent, la jurisprudence refuse de considérer comme démissionnaire le salarié en situation d’abandon de poste (ex. Cass. soc. 24 mars 1998 n° 96-40.805).
Certaines conventions collectives prévoient parfois que le salarié absent pendant un certain délai est réputé démissionnaire. Il se peut aussi que cette situation soit envisagée dans le contrat de travail.
Attention : la Cour de cassation considère que de telles dispositions ne sont pas valables et l’employeur ne peut donc considérer le contrat de travail comme rompu du fait du salarié (Cass. soc. 29 octobre 1991 n° 88-45606).
5. Quel est le motif du licenciement pour abandon de poste ?
Le licenciement pour abandon de poste est généralement un licenciement pour faute grave, dans la mesure où le salarié manque à son obligation principale consistant à fournir sa prestation de travail.
A titre d’illustration, constitue une faute grave l’absence injustifiée et prolongée d'un salarié malgré plusieurs relances de l'employeur (Cass. soc. 23 janvier 2008 n° 06-41671).
Cela étant, il n’est pas logique que la convocation à l’entretien préalable soit assortie d’une mise à pied à titre conservatoire, puisque le salarié n’est pas en poste et que l’employeur lui reproche précisément son absence.
Il importe enfin de préciser que le conseil de prud’hommes est toujours compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute commise par le salarié.
Ainsi, dans certains cas, il peut estimer que l’abandon de poste repose seulement sur une faute simple ou, même, qu’il n’est pas fautif (cf. § 8 ci-dessous).
6. Que faire si le salarié reprend son travail en cours de procédure ?
Si le salarié reprend son travail à la suite de la mise en demeure de l’employeur ou à l’issue de l’entretien préalable à son éventuel licenciement, l’employeur ne peut plus le licencier pour faute grave.
En effet, pour être valable, le motif de licenciement doit toujours exister au jour de la notification du licenciement.
La Cour de cassation a ainsi jugé récemment que le salarié qui s'absente sans autorisation ne peut pas être licencié pour faute grave s'il s’est conformé à la demande de l'employeur de réintégrer son poste de travail (Cass. soc. 29 février 2012 n° 10-23183).
En présence d’une telle situation, la lettre de licenciement doit donc être adaptée pour tenir du fait que le salarié n’est plus en abandon de poste.
En d’autres termes, l’employeur reste libre, le cas échéant, de licencier le salarié pour faute simple, en raison de son absence injustifiée passée.
7. A quelles indemnités le salarié peut-il prétendre en cas d’abandon de poste ?
Le licenciement pour abandon de poste étant fondé sur une faute grave, le salarié perd son indemnité de licenciement (article L. 1234-1 du Code du travail) et son indemnité de préavis (article L. 1234-5 du Code du travail)
Certaines conventions collectives prévoient cependant que le licenciement pour faute grave n’est pas privatif d’indemnité de licenciement et/ou de préavis.
En ce cas, ces dispositions conventionnelles doivent être respectées par l’employeur.
Le salarié licencié pour faute grave a droit, le cas échéant, à son indemnité de congés payés et à la portabilité de son droit individuel à la formation (article L. 6323-17 du Code du travail) et de ses garanties santé complémentaires (accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008).
8. Le licenciement pour abandon de poste fait-il perdre les droits à l’assurance-chômage ?
Contrairement à une croyance répandue, le salarié licencié pour faute grave peut prétendre aux allocations d’assurance-chômage.
En effet, l’article 2 du Règlement général annexé à la convention d’assurance-chômage du 6 mai 2011 ne distingue pas selon le motif de licenciement.
Pôle Emploi doit donc prendre en charge le salarié licencié pour abandon de poste.
9. L’abandon de poste peut-il parfois être justifié ?
Comme indiqué ci-dessus (cf. § 5), le conseil de prud’hommes apprécie librement la qualification de la faute retenue à l’encontre du salarié.
Ainsi, il n’est pas possible de considérer que l’abandon de poste constitue toujours une faute grave et il est au contraire nécessaire d’examiner le contexte dans lequel il s’inscrit.
A titre d’exemple, le licenciement pour abandon de poste du salarié n’est pas justifié si celui-ci reproche à l’employeur, avec raison, une modification unilatérale de son contrat de travail (Cass. soc. 22 mai 2001, n° 99-41146).
De même, ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié absent une semaine sans justification, alors qu’il s’agissait d’un unique manquement en 25 ans de carrière, et que le salarié avait eu jusque là un comportement irréprochable (Cass. soc. 7 mars 2006 n° 04-43.782
Avocat Associé
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