La clause de préemption, qu’elle soit prévue dans les statuts ou stipulée dans un pacte extrastatutaire, a pour objet de réserver aux associés existants, ou à certains d’entre eux, un droit de priorité sur les titres dont la cession est envisagée.
La jurisprudence a été fréquemment appelée à se prononcer sur le champ d’application de cette clause. Elle a jugé qu’un prêt de consommation d’actions, dans la mesure où il transfert à l’emprunteur la pleine propriété des actions prêtées, devait respecter le droit de préemption stipulé dans un pacte d’actionnaires (Paris, 2 juillet 2002, Juris-Data n° 2002-190681).
Elle a également considéré que l’ouverture d’une procédure collective était sans incidence sur la mise en oeuvre de la clause de préemption. Celle-ci reste applicable à une cession d’actions conclue dans le cadre d’un plan de continuation (Aix-en-Provence 5 décembre 2003, Juris-Data n° 2003-240619).
Elle s’impose encore au liquidateur judiciaire, autorisé à céder les parts sociales d’une SCI détenues par une entreprise placée en liquidation judiciaire, dès lors que les statuts de cette SCI stipulent un droit de préemption au profit des associés (Cass. Com. 23 janvier 1996, n° 92-18874).
La Cour de cassation a toutefois fait preuve, par le passé, d’une certaine souplesse d’interprétation. Elle a ainsi admis qu’une clause d’agrément prévue en cas de cession (mais la solution est transposable à la clause de préemption) devait être respectée en cas d’apport des actions concernées à une autre société (Cass. Com. 21 janvier 1970, n° 68-11085). La Cour de cassation semble revenir sur cette analyse et vient de juger qu’une clause de préemption prévue en cas de cession d’actions ne s’applique pas à leur apport en société (Cass. Com. 15 décembre 2009, n° 08-21037).
Cette décision doit être approuvée. Dès lors qu’elle limite la libre négociabilité des titres, la clause de préemption doit être interprétée de façon restrictive et être cantonnée aux seules opérations expressément envisagées. Des arrêts s’étaient déjà prononcés en ce sens. La Cour de cassation avait ainsi refusé d’appliquer une clause de préemption visant tout transfert d’actions à titre onéreux ou gratuit à une transmission universelle de patrimoine résultant d’une fusion-scission (Cass. Com. 28 avril 2004, n° 00-15003) et avait admis que la donation d’actions consentie par un dirigeant à ses enfants n’avait pas à respecter la clause statutaire de préemption applicable à « toute cession d’actions » (Cass. Com. 17 mars 2009, n° 08-11268).
La Cour de Paris avait enfin jugé que le pacte soumettant à un droit de préemption « toutes les aliénations par quelque mode que ce soit, par transfert direct ou indirect, cession, apport, donation, échange, fusion, prêt de consommation, nantissement, transfert universel de patrimoine, ou autrement, … » n’avait pas à s’appliquer aux opérations portant sur les titres des sociétés signataires du pacte, même si elles entrainent un changement de contrôle indirect de l’actionnariat de la société visée par la clause de préemption (Paris 4 décembre 2007, Juris-Data n° 2007-352912). En définitive, l’applicabilité d’une clause de préemption doit être appréciée au cas par cas et dépend de la précision de sa rédaction.
En cas de violation d’un droit de préemption, quelle est la sanction applicable ?
Si la clause est prévue dans les statuts (hors SAS), les tribunaux retiennent, le plus souvent, l’inopposabilité de la cession qui empêchera l’acquéreur de se prévaloir de la qualité d’associé, de percevoir les dividendes et d’exercer les droits de vote attachés aux titres cédés. Dans le cas d’une SAS, la nullité de la cession s’impose en application de l’article L. 227-15 du Code de commerce. Lorsqu’elle est stipulée dans un pacte extra-statutaire, la violation d’une clause de préemption est sanctionnée par l’octroi de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi par son bénéficiaire. Bien plus, ce dernier est en droit d’obtenir l’annulation de la cession intervenue en violation de ses droits, voire sa substitution à l’acquéreur s’il démontre l’existence d’une collusion frauduleuse entre les parties. Il lui appartiendra d’établir la double preuve que l’acquéreur a eu connaissance de l’existence de la clause de préemption et de la volonté de son bénéficiaire de s’en prévaloir, ce qui ne va pas sans difficultés (Cass. Chb. mixte 26 mai 2006, n° 03-19376 et 03-19495).
Nathalie Malkes Koster Avocat au Barreau de Paris 8, rue Magellan - 75008 Paris Tél. + 33 (0)1 40 70 12 24 Fax + 33 (0)1 53 23 06 30 www.nmk-avocats.com |