La France a été l'un des derniers pays d'Europe à adopter une procédure de sauvegarde pour ses entreprises en difficultés. La Banque mondiale avait elle-même recommandé à la France, dans son rapport « Doing business » de 2004, d'ajouter à son droit des faillites une procédure inspirée du « Chapter 11 » du « Bankruptcy Code » américain.
La procédure de sauvegarde existe donc depuis le 1er janvier 2006 et en trois ans, le taux de succès des sauvegardes est très supérieur à celui des redressements judiciaires qui se terminent en liquidation dans 7 cas sur 10 ! En dépit de l'utilisation de cette procédure par des entreprises emblématiques (Eurotunnel ou Libération, par exemple), elle reste encore trop peu utilisée puisque les sauvegardes ne représentent qu'un peu plus de 1 % des procédures de défaillance des entreprises.
Et pourtant, tout comme le redressement, elle interdit les poursuites des créanciers, elle fait dresser l'état du passif et elle permet l'étalement du paiement de l'arriéré constaté en plusieurs années, sans mise en jeu des cautions personnelles données par les dirigeants ou leur famille. De quoi assainir les finances d'entreprises structurellement rentables mais faisant face à une conjoncture défavorable.
Plusieurs raisons expliquent pourtant son peu de succès et en particulier :
-L'élément d'échec que révèle le besoin d'une telle procédure,
-L'étroitesse de la "fenêtre de tir" du déclenchement de la sauvegarde puisqu'elle ne pouvait être ordonnée qu'en cas de difficultés de nature à mener à la cessation de paiement,
-Le coût de la procédure,
-Sa transformation automatique en liquidation judiciaire, en cas d'échec.
Comme peu d'entreprises passent subitement de la bonne santé à la cessation de paiements, voire même seulement à la menace de cessation de paiement, l'article 74 de la Loi de modernisation de l'économie (dite LME) du 4 août 2008 avait autorisé le gouvernement à prendre des mesures pour "rendre la procédure de sauvegarde plus attractive, notamment en assouplissant les conditions de son ouverture et en étendant les prérogatives du débiteur, et améliorer les conditions de réorganisation de l'entreprise afin de favoriser le traitement anticipé des difficultés des entreprises".
C'est l'un des objectifs de l'ordonnance du 18 décembre 2008, qui s'applique depuis le 15 février 2009 :
-Le nouvel article L 620-1 du Code de commerce permet maintenant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'entreprise qui "sans être en état de cessation de paiement, justifie de difficultés" qu'elle "n'est pas en mesure de surmonter". Il n'est donc plus besoin de justifier cette menace de cessation de paiement pour pouvoir bénéficier de la sauvegarde.
-Le tribunal pouvait conditionner l'adoption d'un plan de sauvegarde au remplacement des dirigeants ou à l'incessibilité de ses titres. Ce n'est plus possible: le dirigeant ne peut plus aujourd'hui ni être évincé de la direction de l'entreprise ni de se voir contraint de céder ses parts. Il reste aux commandes de l'entreprise pendant la sauvegarde et le plan de redressement et il est d'ailleurs le seul à pouvoir demander une cessation partielle d'activité.
-Le dirigeant peut, maintenant, officiellement proposer le nom de l'administrateur qu'il souhaite voir désigné. Certains tribunaux l'admettaient avant mais ce n'était pas de droit. Le chef d'entreprise peut donc aujourd'hui prendre contact préalable avec l'administrateur, lui présenter d'avance l'entreprise et ses difficultés, les solutions de sortie qu'il entrevoit et négocier avec lui un forfait (1.000 euros en moyenne pour les TPE) ou un taux horaire (170 euros en moyenne)…
-L'inventaire qui devait être fait auparavant par un commissaire priseur, peut maintenant être fait par le dirigeant lui-même, avec certification par un expert comptable ou par un commissaire aux comptes, ce qui là encore, économise des coûts.
-Les contrats en cours peuvent être rompus s'il apparait que la résiliation est nécessaire à la sauvegarde de l'entreprise,
-Les créanciers qui bénéficient d'un gage sans dépossession ne pourront faire valoir leur droit de rétention, ni pendant la période d'observation ni pendant le plan de redressement. Ainsi, un stock gagé reste-t-il à la disposition de l'entreprise qui peut donc utiliser son stock.
-Dans les comités de créanciers, seuls les votes exprimés seront comptabilisés et les créanciers pourront, sous réserve de l'accord de l'assemblée des actionnaires, convertir leur créance, en obligations ou en actions
-Les salariés doivent être payés par l'entreprise pendant la période d'observation et le plan de redressement mais en cas de licenciement, le coût de celui-ci est pris en charge par les AGS.
-Les garants ayant consenti une sûreté personnelle ou affecté un bien en garantie peuvent se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts, de la suspension des poursuites et des dispositions du plan de sauvegarde et n'être donc pas recherchés personnellement par les créanciers.
On le voit, cette nouvelle sauvegarde offre aujourd'hui une véritable possibilité pour le chef d'entreprise de mettre en oeuvre des traitements aux difficultés sans avoir pour autant à renoncer à la direction de l'entreprise, sans courir le risque de voir les cautions personnelles bien souvent consenties par le chef d'entreprise ou sa famille, actionnées.
Sans pour autant devenir un mode de gestion, la question de la sauvegarde doit donc se poser dès les premières difficultés. Elle doit être posée, en dehors même de la procédure de sauvegarde, à un avocat ou à un administrateur dont l'oeil extérieur et l'expérience peuvent aider le chef d'entreprise à établir un diagnostic précis des difficultés et de leurs solutions, voire si la situation exige l'intervention du tribunal de commerce, l'aider à préparer le dossier de demande de sauvegarde.
Le seul 4ème trimestre 2008 a vu les défaillances d'entreprise augmenter de plus de 20 %. Les deux premiers trimestres de 2009 ne devraient pas être meilleurs et les entreprises qui auront su gérer au plus tôt leurs difficultés seront celles qui auront le plus de chances de traverser la crise actuelle.
Sophie Laurence Roy Clémandot Avocat fondateur |