L’apport en compte courant est une pratique fréquemment utilisée par les PME pour compléter leurs besoins de financement.
Juridiquement, les fonds apportés en compte courant constituent un prêt consenti par un associé à la société. Ce prêt peut être rémunéré ou non et a pour caractéristique d’être remboursable à tout moment en l’absence de terme déterminé.
1. Le principe du remboursement à vue du compte courant
Le droit au remboursement immédiat du compte courant est un principe fermement acquis en jurisprudence (cf. Cass. com. 8 décembre 2009, n° 08-16.418) mais qui s’avère parfois lourd de conséquences lorsque la santé financière de la société est fragile.
Celle-ci ne peut opposer, ni l’existence de difficultés de trésorerie, ni un manquement de l’associé à l’affectio societatis, même si la demande de remboursement entraine une dégradation de sa situation économique, voire même son dépôt de bilan.
Peu importe également les motivations de l’associé titulaire du compte courant.
Malgré la constance de la position de la Cour de cassation, quelques décisions divergentes des juges du fond ont néanmoins refusé de faire application du principe du remboursement à vue du compte courant en raison de la situation financière de la société débitrice (cf. Paris, 30 mai 2008, JurisData n° 2008-368180 ; Aix-en-Provence 6 octobre 1981, JurisData n° 1981-699054).
Plusieurs moyens permettent toutefois d’éviter le retrait brutal par un associé de la trésorerie qu’il a apportée à la société.
2. Les aménagements conventionnels
Le blocage des comptes courants peut résulter, soit d’une clause statutaire, soit d’une convention particulière passée entre la société et l’associé.
Les banques exigent souvent un tel blocage, à titre de garantie, lors de l’octroi d’un crédit à la société.
Les conventions de blocage peuvent prévoir que l’avance est consentie pour une durée déterminée ou que son remboursement est conditionné par la situation de trésorerie et les besoins de financement de l’entreprise.
Encore faut-il que cet aménagement ne résulte pas d’une clause purement potestative qui ferait exclusivement dépendre le remboursement du bon vouloir du conseil d’administration ou du gérant (cf. Cass. com. 9 octobre 2007, n° 06-19.060) ou d’une délibération de l’assemblée qui ne serait pas adoptée à l’unanimité.
Une décision de l’assemblée, prise à la simple majorité, qui interdirait le remboursement des comptes courants à concurrence d’un montant déterminé ou pour une durée limitée, serait inopposable à l’associé titulaire du compte courant car elle constituerait une augmentation de ses engagements.
De façon moins rigoureuse, la demande de remboursement peut être soumise au respect d’un délai de préavis lorsque l’avance est à durée indéterminée.
3. L’octroi de délais de paiement
Le juge peut également prendre en considération la situation du débiteur, et plus particulièrement sa fragilité financière, pour reporter ou échelonner le remboursement du compte courant dans la limite de deux ans, en application des dispositions de l’article 1244-1 du Code civil (Montpellier 16 décembre 2008, JurisData n° 2008-006048).
L’octroi de délais relève du pouvoir souverain des juges du fond.
4. L’inapplicabilité des dispositions relatives au prêt de droit commun
Afin d’échapper à cette limite de deux ans, les praticiens ont imaginé mettre en oeuvre les dispositions de l’article 1900 du Code civil qui autorisent le juge, lorsqu’un prêt est consenti pour une durée indéterminée, à « accorder à l’emprunteur un délai suivant les circonstances », pour s’acquitter de la restitution.
Dans un arrêt du 10 mai 2011, la Cour de cassation vient d’opposer un refus catégorique à l’application de ce texte et rappelle la spécificité du compte courant.
La Chambre commerciale souligne que « les dispositions de l’article 1900 du Code civil, qui offrent au juge la possibilité de fixer un terme pour la restitution d’un prêt, ne sont pas applicables au compte courant d’associé, dont la caractéristique essentielle, en l’absence de convention particulière ou statutaire le régissant, est d’être remboursable à tout moment » (Cass. com. 10 mai 2011, n° 10-18.749).
Reste toujours le recours à la théorie de l’abus de droit lorsqu’il est établi que la demande de remboursement est faite de mauvaise foi et dans le but de nuire à l’entreprise (cf. Paris 12 février 1999, JurisData n° 1999-020256).
Mais outre les difficultés de preuve, la mise en cause de la responsabilité de l’associé qui abuse de son droit au remboursement immédiat de son compte courant ne permettra à la société que de solliciter des dommages et intérêts lesquels viendront en compensation du financement qui lui est retiré.
En conclusion, mieux vaut donc anticiper en aménageant les modalités de remboursement des comptes courants d’associés, soit par une disposition statutaire prévue à cet effet dès la constitution de la société, soit par le biais d’un accord spécifique conclu entre la société et l’associé apporteur.
Nathalie Malkes Koster
Avocat au Barreau de Paris
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