La chambre commerciale de la Cour de cassation vient de se prononcer sur la sanction de l'inobservation de la mention manuscrite de solidarité imposée par l'article L. 341 3 du Code de la consommation.
Confirmant logiquement l’arrêt rendu par la Cour d'appel de Bourges le 19 novembre 2009 lui ayant été déféré, la Cour de cassation juge que l'inobservation de la mention imposée par l'article L.341 3 du code précité ne pouvait conduire qu'à l'impossibilité pour la banque de se prévaloir de la solidarité, et non à la nullité du cautionnement, lequel demeurait valable en tant que cautionnement simple (Cass. Com. 8 mars 2011, pourvoi n°10-10.699)
Cet arrêt est l’occasion de faire un point sur les mentions manuscrites applicables, depuis la loi dite "Dutreil" n°2003-721 du 1er août 2003 (pour l'initiative économique), à tout cautionnement souscrit après le 5 février 2004, par les personnes physiques s'engageant, par acte sous seing privé, envers un créancier professionnel.
Ainsi, la caution doit-elle "faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci" :
"en me portant caution de X… dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts, et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même" (article L.341-2 du Code de la Consommation)
et ce à peine de nullité de l'engagement de caution.
En cas de cautionnement solidaire, la mention suivante doit, elle aussi, précéder la signature de la caution :
"En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 22-98 du Code Civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuivre préalablement …" (article L.341-3 du Code de la Consommation).
Il est aujourd’hui établi que ces mentions s’imposent dès lors que la caution est une personne physique, qu'elle soit avertie ou profane ; en d‘autres termes elles s’appliquent à la caution dirigeante comme au simple particulier.
De même, le "créancier professionnel" n’est pas seulement l’établissement bancaire ou financier, mais « celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale" (Cass. Civ. 1ère 9 juillet 2009 pourvoi n°08-15910).
Si la Cour de cassation a déjà été amenée à juger, dans des cas où la mention s’éloignait nettement de la formule manuscrite imposée, que l’engagement de caution ne pouvait comporter que la mention manuscrite exigée par l'article L.341-2 du code précité à l’exclusion de toute autre, certaines cours d’appel, telles celles de Rennes et Bourges, font preuve d’un formalisme pointilliste (Cass. Com. 28 avril 2009 pourvoi n°08-11616).
Ainsi, la Cour d'appel de Rennes sanctionne-t-elle le fait de joindre les deux mentions en une seule phrase séparée par une simple virgule (Cour d'appel de Rennes 1ère chambre B., 22 janvier 2010 (n°08/08806).
La Cour d'appel de Bourges, interprétant de façon littérale la disposition de l’article L.341-2 selon laquelle la caution doit "faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci", considère qu’est nul le cautionnement ne comportant pas la signature de la caution sous chaque formule manuscrite (Cour d'appel de Bourges, chambre civile, 1er juillet 2010, n°10/00126).
Il est, de notre point de vue, difficile de voir en quoi le fait que les deux mentions ne fassent pas l’objet de deux paragraphes distincts ou fassent l’objet d’une signature commune, nuisent à la prise de conscience par la caution de la portée de son engagement, ce qui était, faut-il le rappeler, l’objectif poursuivi par le législateur lorsqu’il a instauré cette fastidieuse calligraphie.
Nous espérions, suite à l’arrêt de la Cour d'appel de Bourges précité, un rapide retour à un peu plus de bon sens (Voir l’article “Cautionnement : au secours c’est le bon sens qu’on assassine ! de Patrice Bouteiller, JCP. éd. E n°48, 01/12/2010, pages 14 et 15).
Heureusement, ce fut le cas puisque la Cour de cassation vient de casser l’arrêt rendu par la Cour d'appel de Rennes le 22 janvier 2010 estimant que « l'apposition d'une virgule entre la formule caractérisant l'engagement de caution et celle relative à la solidarité n'affecte pas la portée des mentions manuscrites conformes aux dispositions légales » (Cass. Com. 5 avril 2011 pourvoi n°10-16426).
Le bon sens est donc sauvé … au moins provisoirement !
Anne-Line CUNIN
Avocat au Barreau de Dijon,
Associée, Du PARC & Associés
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