L'esprit de la loi relative au traitement des difficultés des entreprises est désormais très clair : il faut mettre à la disposition du chef d'entreprise une "boîte à outils", à charge pour l'entrepreneur de choisir le "bon outil au bon moment".
LE MANDAT AD HOC
La stratégie à suivre est évidemment variable selon les intérêts qui prévalent.
L'intérêt supérieur de l'entreprise sera le plus souvent pris en considération : assurer la survie de l'exploitation et bâtir une solution durable de redressement ou céder l'entreprise à un repreneur qui permettra la pérennité de l'activité et le maintien des emplois.
L'intérêt personnel du chef d'entreprise ne doit pas non plus être négligé : rester dirigeant de son entreprise, échapper à toute responsabilité, limiter le risque pour le dirigeant-caution d'être poursuivi…
Le choix, cependant, n'est pas totalement libre. Il est limité par l'intensité des difficultés que rencontre l'entreprise. L'état de cessation des paiements demeure la clé de répartition entre les procédures collectives (strictement encadrées et publiques) et les procédures préventives (souples et confidentielles).
Le mandat ad hoc s'élève au rang de ces dernières.
Utilisée depuis longtemps pour résoudre les conflits entre associés, la notion n'est pas nouvelle. La loi du 26 juillet 2005 a cependant donné un lustre particulier à cette vénérable institution puisqu'elle en a fait une procédure autonome de traitement des difficultés des entreprises.
On ne peut qu'inciter les entrepreneurs en difficulté à saisir le président du tribunal, comme les y invite l'article L. 611-3 du Code de commerce, de la désignation d'un mandataire ad hoc choisi librement sous réserve de respecter les incompatibilités prévues par l'article L. 611-13 du Code de commerce.
Cette procédure, qui est à la seule initiative du chef d'entreprise, présente de nombreux avantages :
- le premier avantage, auquel les entrepreneurs sont sensibles, est la confidentialité : l'ordonnance d'ouverture du mandat ad hoc ne fait l'objet d'aucune publicité au greffe du Tribunal.
- Le second avantage n'en est pas moins important puisque l'entrepreneur reste "maître" de son entreprise : le mandataire ad hoc a uniquement pour mission de l'assister dans le cadre de la mission qui lui a été définie dans l'ordonnance. Le mandat ad hoc n'altère pas la situation du dirigeant qui conserve l'ensemble de ses pouvoirs de gestion.
- Le troisième avantage réside dans la possibilité pour l'entrepreneur de choisir son mandataire en sollicitant son nom dans la lettre d'accompagnement de la requête et en expliquant les motifs de sa demande (dossier déjà connu, professionnel spécialisé dans un domaine d'activité particulier…)
- Le quatrième avantage tient au fait que la mission du mandataire ad hoc est préalablement définie par le chef d'entreprise, et qu'elle est étroitement définie dans l'ordonnance.
- Le cinquième avantage réside dans l'absence de délai : la mission du mandataire ad hoc ne comporte pas de limitation de durée et peut, le cas échéant, prolongée.
Il en ressort que le mandat ad hoc se caractérise par une grande souplesse, ce d'autant que les textes demeurent silencieux sur la situation du débiteur éligible à la désignation d'un mandataire ad hoc. Il suffit simplement que l'entreprise ne soit pas en état de cessation des paiements pour y avoir accès. Aussi, cette désignation doit être assez facilement obtenue du juge, ce qui s'explique par le fait qu'elle ne produit aucune atteinte aux droits des tiers.
A cet égard, il convient de rappeler que le Décret du 18 décembre 2008 a supprimé la possibilité pour le juge de refuser implicitement la désignation d'un mandataire ad hoc (Décret art. 4 abrogeant C. com. R 611-19 al. 2 qui assimilait le silence gardé par le juge gardé pendant un mois à compter de l'entretien avec le débiteur à un refus) et offre au débiteur la possibilité de faire appel en cas de refus de désignation (C. com. R611-20 al.1).
Il ne faut pas minimiser, par ailleurs, l'impact positif de la désignation d'un mandataire ad hoc sur les partenaires de l'entreprise. La nomination du mandataire ad hoc, tiers indépendant, rassure les créanciers :
- car il dresse un état objectif de la situation de l'entreprise
- et agit sous l'autorité du Président du Tribunal, ce qui est susceptible de favoriser l'écoute des différents créanciers.
Dans le silence des textes, le mandat ad hoc a vocation à prendre fin, lorsque les difficultés ont été résolues, ou plus précisément lorsque la mission du mandataire ad hoc est accomplie.
Toutefois, il se peut fort bien que cet instrument, au demeurant fort séduisant, soit insuffisant pour résoudre les difficultés auxquelles l'entreprise est confrontée.
En contrepartie de ses nombreux avantages, le mandat ad hoc n'est pas dépourvu de faiblesses puisque son succès repose entièrement sur la négociation et sur les efforts, voire les sacrifices, que les créanciers consentiront à faire.
Or le mandat ad hoc ne présente aucune garantie pour les créanciers, pas plus qu'il ne permet de faire peser sur eux un pouvoir de contrainte pour assurer l'efficacité de leurs engagements.
En définitive, le mandat ad hoc ne doit pas être pris pour autre chose que ce qu'il est vraiment : un instrument stratégique qui permet éventuellement de trouver des solutions hors procédures, mais dont l'intérêt essentiel est de permettre la préparation du terrain d'une conciliation en cas d de volonté de coopération des créanciers ou d'une procédure de sauvegarde en cas contraire.
Vincent Cuisinier
Avocat, associé
Du Parc & Associés
www.avocats-duparc.fr