1) Quels sont les droits des actionnaires ?
En règle générale, tous les actionnaires disposent de droits pécuniaires et non pécuniaires attachés à leurs actions.
Les droits pécuniaires consistent essentiellement dans le versement de dividendes.
S’agissant des droits non pécuniaires, on dénombre le droit de participer aux assemblées, un droit d’information c’est-à-dire le droit de se faire communiquer différents documents sur la gestion des affaires sociales, et la possibilité de se faire élire aux fonctions sociales.
2) Pourquoi protéger les actionnaires minoritaires ?
La protection des associés minoritaires se justifie par le fait qu'ils ne contrôlent pas la société. Les minoritaires peuvent donc craindre que les majoritaires abusent de leur pouvoir et dirigent la société dans leur seul intérêt personnel.
3) Quels sont les moyens de défenses que les actionnaires minoritaires peuvent utiliser ?
Les actionnaires minoritaires disposent de plusieurs moyens de défense face aux actionnaires majoritaires.
a) – L’expertise de gestion.
Elle peut être demandée dans les sociétés par actions, les SA, les commandites par actions et les SAS (C.com,art L226-1 et L227-1),ainsi que dans les SARL (C.com, art L223-37).
Il faut préciser que pour les SA, cette possibilité est soumise à une procédure préalable, avant toute saisine du juge des référés, consistant à poser tout d’abord par écrit au président du conseil d’administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion (C.com, art L225-231).
A défaut de réponse dans le délai d'un mois à compter de la réception de la question ou si la réponse est considérée comme non satisfaisante, les actionnaires auteurs de la question peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts de gestion
(C.com, art L225-231 al 2).
b) – La nomination d’un administrateur provisoire.
D’autre part, les actionnaires minoritaires peuvent demander aux tribunaux la nomination d’un administrateur provisoire, lorsque la gestion de la société est entravée, et que celle-ci empêche le fonctionnement régulier de la société, ou lorsque les actionnaires minoritaires sont mécontents de la politique conduite par les majoritaires.
Il convient de préciser que ces demandes sont admises lorsque les circonstances démontrent l’existence d’un risque d’abus de droit ou de détournement de pouvoir des majoritaires susceptibles de mettre en péril les intérêts de la société.
c) – La communication forcée des documents sociaux.
Enfin, l’article L238-1 du code de commerce prévoit une procédure d’injonction de faire permettant aux actionnaires, comme aux associés d’obtenir en justice les documents sociaux compris dans leur droit de communication.
4) Que se passe-t-il en cas d’abus de majorité ?
La majorité ne peut exercer son vote de manière discrétionnaire. Les actionnaires minoritaires peuvent contester les votes constitutifs d’un abus de droit.
Les tribunaux sanctionnent l'abus de majorité, c'est-à-dire tout vote contraire à l'intérêt social et émis dans l'unique dessein de favoriser la majorité au détriment des autres associés ou actionnaires.
L'abus de majorité suppose donc un préjudice subi par la minorité, soit sous la forme de la privation d'un avantage réservé aux seuls majoritaires, soit en un désavantage subi par les seuls minoritaires.
L’abus de majorité, s’il est constaté, entraîne généralement la nullité de la décision prise. Les minoritaires peuvent aussi obtenir des dommages et intérêts.
5) Qu’en est-il en cas d’abus de minorité ?
Les mesures de protection des minoritaires et les prérogatives qui leur sont octroyées, notamment dans le domaine judiciaire peuvent conduire à des dérives qualifiées par la jurisprudence et la doctrine de «harcèlement des majoritaires par les minoritaires».
Ces comportements sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la société.
Conformément au droit commun, la réparation de l'abus de minorité peut consister en l'octroi de dommages-intérêts.
6) Comment débloquer les situations de tension entre actionnaires ?
Il est possible de solliciter du Président du Tribunal de commerce la désignation d’un mandataire ad ’hoc, qui va être chargé de concilier les actionnaires en vue de susciter la sortie des minoritaires par rachat de leurs titres (par les majoritaires ou par la société, à la faveur d’une réduction de capital).
Bien évidemment, la solution de sortie négociée reste soumise à un accord entre les actionnaires.
Le mandataire ad’ hoc n’a pas de pouvoir coercitif ; il est, en quelque sorte, un facilitateur, un médiateur.
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La situation économique que nous connaissons accentue les tensions entre actionnaires : les marges des entreprises se réduisent et donc les bénéfices sociaux, ce qui se répercute sur la capacité des sociétés à distribuer des dividendes à leurs actionnaires.
La gestion des conflits d’actionnaires ne trouve pas de solution «standardisée».
C’est du sur-mesure, et il n’existe, sur le plan judicaire, aucune solution permettant de mettre fin à des conflits d’actionnaires.
Seuls des pourparlers, des négociations, et le retour à une discussion, peuvent permettre de renouer ce qui a été cassé pour permettre une séparation, à l’amiable.
Contrairement au Droit du divorce, qui permet, à l’un ou l’autre des époux de se séparer, il n’existe aucune solution identique en Droit des sociétés, et comme en matière de divorce, où ce sont les enfants qui pâtissent de la séparation, les conflits d’actionnaires sont à l’origine de nombreuses défaillances d’entreprises, qui ne survivent pas à la mésentente de leurs actionnaires.
Eric Seutet
Avocat - Seutet Avocats