Thierry GuichardParmi les macro-tendances que l'on retrouve ces derniers temps décrites par plusieurs sociologues, économistes ou essayistes divers et variés, deux ont particulièrement retenu mon attention. Elles sont d'ailleurs fortement liées l'une à l'autre. Il s'agit d'un côté de la remise en question de la sacro-sainte propriété de biens, et de l'autre, de la volonté de tout à chacun de s'inscrire en tant qu'acteur dans une sphère sociale particulière.

 

Ne plus inscrire la propriété au centre de sa réussite

 

Depuis des décennies, les économistes ont inscrit la notion de propriété comme pierre angulaire du fonctionnement de nos sociétés : c'est l'échange de propriétés qui initie et perpétue le cercle vertueux de nos économies et c'est la volonté d'acquérir des biens qui motive l'être humain et couronne sa réussite sociale. Cette notion de propriété a évolué au cours de l'histoire : il faut se rappeler qu'à une époque, le simple fait d'être autorisé à jouir d'un bien en commun, comme accéder à un sentier, pouvoir naviguer sur un fleuve ou pêcher dans un cours d'eau, constituait à lui seul l'aboutissement de cette volonté de posséder qui conduit l'espèce humaine depuis la nuit des temps.

Aujourd'hui, dans un monde où les cycles de création et de production sont raccourcis de jour en jour (la fameuse loi de Moore qui dit qu'en informatique la puissance de calcul d'un ordinateur double tous les 18 mois, en est la parfaite illustration), où parfois des dizaines de produits similaires sont proposés mais peuvent aussi disparaitre en un clin d'oeil, de plus en plus d'individus se demandent s'ils ont encore intérêt à posséder ces biens qui deviennent obsolètes aussitôt acquis ...

De plus, on peut imaginer que les coûts de fabrication et d'acheminement se réduisant aussi de manière spectaculaire, et pourquoi pas dans un futur plus ou moins proche approcher de zéro, la simple notion de marges et de gains soit totalement remise en question pour l'ensemble des biens manufacturés, comme nous l'avons déjà connu dans le monde du disque ou de l'édition. 

C'est ainsi que l'accès à la propriété est sans doute en passe d'être remplacé par l'accès tout court ! Ce qui primera, ne sera plus de posséder un bien, mais tout simplement de pouvoir jouir d'un bien au moment où l'on en a besoin. Les notions de leasing, de location, de temps partagé pourront donc devenir les nouveaux piliers des différents échanges commerciaux qui nous animent. La relation vendeur-acheteur serait donc massivement remplacée par celle entre fournisseur et usager. Les biens seraient toujours produits, mais ne connaitraient plus qu'un seul propriétaire tout au long de leur vie : leurs fabricants qui devront s'organiser pour mettre ces biens à disposition des usagers de façon ponctuelle. On peut d'ailleurs remarquer au passage, une vertu de ce nouveau mode de fonctionnement ; celle de devoir créer des biens plus durables et moins coûteux à entretenir car ces qualités compteront directement parmi les critères primordiaux de rentabilité pour le fabricant et non plus pour l'utilisateur.

 

Des espaces sociaux comme catalyseurs de la société

 

L'autre tendance qui pourrait chambouler notre organisation commerciale, si ce n'est déjà fait, est celle de la place de plus en plus importante des réseaux sociaux. On ne parle pas ici que des réseaux de type Facebook, mais aussi de ceux de type Wikipédia qui remettent en cause le fondement même de notre économie qui consiste à faire en sorte que notre quête de biens, matériels ou immatériels, et d'autonomie soit assouvie par le biais d'un système unidirectionnel et monodimensionnel tel que matérialisé par la relation traditionnelle entre fournisseur et client. Nous sommes à l'aube d'un nouveau modèle dans lequel chacun est à la fois fournisseur et consommateur, acteur et spectateur, distributeur et utilisateur. A l'aube de ce que certains ont baptisé de pouvoir latéral ...

Et dans ce modèle, le droit d'accéder aux réseaux sociaux qui le supportent, devient primordial et chacun se battra, comme on a déjà pu le voir ces dernières années dans un pays comme la Chine, pour qu'il puisse s'exercer mondialement. Ce droit deviendra plus fort que celui d'accéder à la propriété. Il est d'ores et déjà important de remarquer que le corollaire de cette nouvelle forme de revendication, sera de réduire quasiment à néant la notion de propriété intellectuelle, au profit des sources ouvertes et partagées.

Faire du commerce demain ne consistera donc plus uniquement qu'à gérer des transferts de propriétés, mais plus à gérer l'accès à des biens qui seront créés de manière communautaire pour un usage partagé.

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Thierry Guichard

Thierry GUICHARD

Installateur de Différenciation 

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