On entend beaucoup parler d’innovation mais a-t-on une juste compréhension de ce que peut couvrir cette notion ?
Ce qui est certain, c’est qu’une innovation doit toujours être quelque chose de simple et de réalisable à court terme.
Avant d’en donner les raisons, il est nécessaire de bien cerner la manière dont ce terme est utilisé en fonction des caractéristiques de ceux qui l’utilisent.
1- Le technicien et l’ingénieur vont très probablement parler d’innovation technologique.
2- Le “marketeur”, lui, va se centrer sur l’apport, la nouveauté, au regard de la situation présente ou projetée d’un marché, d’une offre ou d’une catégorie d’offres mais aussi sur la capacité d’impact que peut représenter l’innovation en termes de retombées connexes.
3- La concurrence aura une analyse orientée sur la protection et la justification de son positionnement actuel.
4- L’organisme d’aide à l'innovation va certainement se fonder sur le cahier des charges que couvre tel ou tel dispositif d’aide à l’innovation et selon la mission de son agence.
5- Le politique impulsera les mécanismes d’aide selon des critères économiques et sociaux et selon l’impact qu’il attend de l’innovation en termes de retombées d’image, d’économie et d’emplois.
6- L’investisseur va se concentrer sur différents aspects tels que sa capacité de sortie rapide en réalisant une forte plus-value ou l’intégration de l’entreprise à son groupe pour réaliser sa croissance externe ...
7- Les médias vont voir la chose selon le “buzz” qu’ils peuvent en faire afin de satisfaire leur lectorat, leurs annonceurs, se démarquer et développer leur image.
8- Le public, pour finir, percevra l’innovation en priorité pour les bénéfices qu’il va en retirer, mais surtout il considérera qu’il s’agit d’innovation en fonction des usages et habitudes de son propre milieu. Et là, on est dans la “vraie” dimension marketing.
Ainsi une offre d’ordinateur pas cher carrossé pour offrir des services aux 70 - 80 ans sera perçue comme de l’innovation pour cette tranche de population alors que l’ordinateur en question pourrait être conçu à partir d’une technologie minimaliste et ancienne.
On a donc affaire à 8 angles de vue différents qui correspondent aux 8 facteurs de convergence essentiels d'un projet innovant.
La grande question qu’il va falloir résoudre est : sur qui un projet va-t-il devoir s’appuyer pour avoir des chances d’aboutir sachant que celui qui apportera son soutien ne le fera pas forcément en adéquation avec les possibilités et nécessités marketing optimales.
Explication ! Notre offre d’ordinateur adapté aux 70-80 ne constitue pas une innovation technologique mais plutôt une innovation sociale. Si l’on cherche à s’appuyer sur une agence d’aide orientée sur l’innovation technologique, rien dans le projet ne sera susceptible de la séduire.
Il faudrait sans doute se tourner vers d’autres agences mais si, pour une raison ou une autre, ce n’est pas possible ou peu intéressant, il faudra intégrer une innovation technique dans le projet qui, elle, pourra recevoir le soutien escompté, même si elle n’est pas nécessaire à l’offre.
En allant un peu plus loin, on peut aussi se rendre compte que le technicien du projet considère que son idée est innovante par rapport à son très haut niveau d’appropriation du sujet sans toujours réaliser qu’une grande quantité de ce qu’il ne considère plus comme de l’innovation n’est pas encore sur le marché ou seulement sous une forme naissante.
Bref, chacun voit les choses à sa manière et, comme toujours en matière de Marketing, il serait bon de prendre en considération tous les aspects du paysage et de bien définir, pour chacun des 8 angles, ce qui est ou non innovant dans l’offre en cours de définition et à quel degré d’innovation on se positionne.
Lorsque l’on va bâtir le cheminement stratégique du projet, il va être capital d’anticiper les tensions possibles dans ce parcours du fait que chaque partie tentera forcément de tirer dans son propre sens pour obtenir ses propres retombées. Le but du jeu, bien sûr, sera de tisser l’affaire pour que chacun y trouve son compte dans des termes et des volumes qui lui conviennent.
Eh bien oui, comme je le disais en préambule, une innovation doit toujours être quelque chose de simple et réalisable à court terme :
- d’une part, car on va devoir anticiper un parcours assez critique et que plus on regarde loin et moins on est capable de voir avec certitude.
- d’autre part, parce que si le projet est simple, les seules complexités qu’il faudra résoudre seront celles de mettre tout le monde en phase.
- enfin, pour une part encore plus importante que les deux précédentes, si par “hasard” le projet capotait en cours de route, on ne se serait pas investi longuement dans une lourde machine, complexe à débrayer, ayant impliquée lourdement nos partenaires, avec la mauvaise image que cela suppose et sans parler investissements inutiles. On pourra rapidement monter un autre projet et recommencer le cycle.
Luc-Olivier LAFEUILLE |