62 252 défaillances d’entreprises en 2013, soit une hausse de 1,7% sur un an... Et le phénomène concerne toutes les entreprises : TPE comme PME et ETI. Mais une mauvaise passe ne mène pas systématiquement à l’échec et des solutions existent afin de rebondir. Petit guide de survie pour entreprises asphyxiées.
Réagir : une première étape décisive
« Arrêtez de penser que l'activité redémarrera demain ou dans trois mois. Admettez que votre société est en crise et vous aurez fait le premier pas pour vous en sortir ».
Voici le message que martèle Michel Nepomiastchy, chef d’entreprise et intervenant au sein de « Re-créer », une association qui propose une aide et un accompagnement aux entreprises en difficultés. Car le premier pas vers la guérison réside bel et bien dans la prise de conscience des dirigeants, qui ont malheureusement tendance à minimiser la fragile situation de leur entreprise. « Être en difficultés, en pratique, c’est être en difficultés de trésorerie. Nous avons eu parfois affaire à des cas différents, mais cela se résume toujours finalement par des difficultés de trésorerie » précise Yves Laisné, docteur en droit et consultant auprès d’entreprises qui traversent des moments difficiles.
Or, « une entreprise en difficulté, c’est une malade qui rend malade d’inquiétude tout le monde autour d’elle : salariés, banquiers, fournisseurs, clients, actionnaire » témoigne Jean Louis Detry, à l’origine de la renaissance des Disques Vogue, du groupe audiovisuel Dataciné et de la chaîne de restaurants Léon de Bruxelles.
Face à la panique, il faut savoir décréter l’état d’urgence. D’expérience, Serge Gracieux, sait que la réactivité est précieuse: « si nous ne réagissions pas sur-le-champ, dans six mois la société serait morte. Le lundi de Pâques, j’ai convoqué tous les actionnaires. Nous avons passé dix heures ensemble pour arrêter les actions à mener (…). Résultat : fin avril, la société arrêtait de perdre de l’argent, et, début octobre, elle avait comblé ses déficits du premier trimestre » témoigne-t-il. De plus, établir suffisamment tôt un diagnostic est salvateur comme témoigne Franck Gentin, Président du tribunal de commerce de Paris. En effet, « en matière de grande difficulté, depuis une dizaine d'année, le business se déplace de l'aval vers l'amont c’est-à-dire qu'aujourd'hui, 85% des passifs des entreprises sont traités en conciliation et qu'il y a de moins en moins de redressement ».
Un panel de solutions
C’est dans ce souci de réactivité voire d’anticipation, qu’a été amorcée en début d’année, la refonte du droit des entreprises en difficulté. Entrée en vigueur le 1er juillet dernier, l’ordonnance du 14 mars 2014, fait la part belle au mandat ad hoc et à la procédure de conciliation qui ont tous deux pour objectif de renégocier (en toute discrétion) les dettes avec l’appui d’une partie tierce. Ces deux procédures amiables démontrent des résultats satisfaisants, aussi l’Etat a introduit quelques changements afin d’en favoriser la pratique. En outre, le gouvernement a ouvert de nouvelles perspectives à la négociation avec les créanciers, qui jouent un rôle majeur dans l’avenir de l’entreprise. Encore sur l’établi : démystifier le rôle du tribunal de commerce et en faire un allié plutôt qu’un bourreau ; la tâche est lourde.
Si ce « choc de simplification » mené par le Président Hollande n’a pas encore fait ses preuves, l’idée est bien de permettre à des dirigeants désemparés de sortir d’un certain isolement et de les convaincre que des solutions alternatives à la liquidation ou au dépôt de bilan existent. Car trop souvent (et surtout chez les PME), les mécanismes existants sont méconnus. C’est le constat fait par Yves Laisné, spécialiste français et auteur du Guide pratique de la dissolution-confusion. Cette procédure est selon lui « particulièrement adaptée » dans les sauvetages d’entreprises. « Cela s’applique lors des cessions ou transmissions de société en bonne santé. Mais cela peut s’appliquer également à des sociétés en difficultés qui ont encore un fonds de commerce viable. […] La dissolution-confusion permet à un entrepreneur de réaliser un transfert de l’actif et du passif de sa société (contenant les diverses dettes) vers une société étrangère, en toute légalité » propose l’expert qui précise que « l’entrepreneur reste de plus aux commandes de son entreprise ». En outre, Yves Laisné ajoute que ce « produit juridique conserve un avantage pour le créancier : les institutions de recouvrement qui décideraient de mener à leurs termes les investigations disposent toujours d’un interlocuteur. Elles ne sont ni flouées ni trompées ».
Au-delà des solutions économiques, fiscales ou juridiques, les dirigeants peuvent recourir à une nouvelle stratégie RH dans un souci de rationalisation de l’équipe entrepreneurial. A son arrivée à la tête de Canal+, alors dans la tourmente, Bertrand Meheut ne pouvait « pas emmener le groupe vers de nouveaux horizons en gardant les mêmes personnes à sa tête » et a donc optimisé la hiérarchie en allégeant de 320 à 100 le nombre d’entités juridiques. Et la restructuration n’est pas forcément synonyme de licenciement. Pour Jean-Louis Detry, « c’est le compte d’exploitation qui est fondamental pour redresser les flux vitaux d’un groupe en danger. Ce n’est pas avec un beau bilan que l’on paye les salaires du mois à venir » insiste le spécialiste du sauvetage d’entreprises. Ce dernier révèle également les bienfaits d’un management adapté à la situation de crise que connait l’entreprise et où « le dirigeant doit avant tout être une locomotive qui entraine les autres et qui crée un chemin alors que la route semble fermée ». Fédérer autour de nouveaux axes simples et clairs et remettre les atouts de l’entreprise au centre d’une stratégie de survie à court terme, les conseils ne manquent pas pour les dirigeants qui sont également encouragés à communiquer (aussi bien en interne qu’en externe).
En finir avec le tabou de l’échec
Car l’issue peut s’avérer heureuse. C’est le cas de Julien Sylvain, qui après l’échec de sa première société, a fondé Lemon Curve, une entreprise de lingerie féminine en pure player, dont le chiffre d’affaires frôlait les 2 millions d’euros en 2013.
Une fois digéré, l’échec peut ainsi se révéler riche d’enseignements et permettre une nouvelle aventure professionnelle. Une manière aussi (et surtout) de se reconstruire face au sentiment de honte partagé par la plupart des dirigeants en déroute.
Face à la faillite, l’opprobre jeté sur ces entrepreneurs est parfois le plus traumatisant. C’est ce qui a poussé Philippe Rambaud à fonder l’association 60 000 Rebonds et redonner ainsi de l’espoir en une dynamique d’entreprendre sur laquelle les pouvoirs publics semblent miser face à la crise. Reste à opérer un réel changement de culture, moins stigmatisant face à l’échec, tout en permettant à celui qui est tombé de se relever. Encore et toujours.
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