Un salarié avait été engagé en qualité de cadre autonome comme responsable commercial sur une zone internationale. Son contrat de travail stipulait une convention de forfait en jours.
L’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 29 juin 2011 était attendu.
Un salarié avait été engagé en 2001 en qualité de cadre autonome comme responsable commercial sur une zone internationale. Son contrat de travail stipulait une convention de forfait en jours telle que prévue à l’accord sur l’organisation du travail du 28 juillet 1998 conclu dans la branche de la métallurgie. Après sa démission, en janvier 2006, il a reproché à son employeur diverses insuffisances quant au contrôle du nombre de jours travaillés et quant au suivi de son organisation et de sa charge de travail. Il a notamment formé des demandes au titre d’heures supplémentaires impayées et de travail dissimulé.
Analysant le contrat de travail qui le liait à son employeur, la cour d’appel a rejeté les demandes du salarié en considérant qu’il avait accepté le bénéfice d’une convention de forfait sur la base de 217 jours par an et exclu donc la rémunération de toute heure supplémentaire.
Pour la cour d’appel, les insuffisances de l’employeur en matière de contrôle du nombre de jours travaillés ou en suivi de l’organisation et de la charge de travail, à les supposer établies, n’étaient pas de nature à remettre en cause la convention de forfait fixé en jours.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel au prix d’un raisonnement en deux temps.
Premier temps : l’accord de branche applicable au litige, qui contenait des mesures concrètes d’application des conventions de forfait en jours de nature à assurer le respect des règles impératives relatives à la durée du travail et aux temps de repos, était conforme aux exigences de divers textes visés par la Cour de cassation, notamment l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 et d’autres normes sociales européennes visées par l’article 151 du Traité UE et les directives de l’Union européenne en matière de temps de travail.
Ces mesures étaient les suivantes :
- obligation pour l’employeur d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail. (Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur.)
- suivi régulier de l’organisation du travail du salarié et de sa charge de travail par son supérieur hiérarchique
- tenue d’un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité ; (cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé. )
Pour la Cour de cassation, il résultait des constatations de la cour d’appel que les stipulations de l’accord n’avaient pas été observées par l’employeur.
Second temps : la cour de cassation considère que les manquements de l’employeur, dès lors qu’ils privent le salarié de toute protection de sa santé, privent également d’effet la convention de forfait en jours conclue avec le salarié. Le salarié peut donc prétendre au paiement d’heures supplémentaires.Il importe ici de souligner que dans un précédent arrêt du 10 janvier 2010 (n ° 08-43.201), la cour de cassation avait jugé que le défaut d’exécution par l’employeur des stipulations conventionnelles de ce type ne remettait pas en cause la validité de la convention organisant ce régime mais ouvrait seulement droit à dommages-intérêts pour le salarié concerné.
Pour conclure, il importe de relever deux éléments essentiels :
- cet arrêt ne concerne pas les dispositions issues de la loi du 20 août 2008 ;
- aux termes de l’article L. 3121-48 du Code du travail issu de ce texte en effet : " Les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives : 1° A la durée légale hebdomadaire prévue à l'article L. 3121-10 ; (i.e. 35 heures) 2° A la durée quotidienne maximale de travail prévue à l'article L. 3121-34 ; (i.e. 10 h/jour maximum) 3° Aux durées hebdomadaires maximales de travail prévues au premier alinéa de l'article L. 3121-35 (i.e.48 h) et aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 3121-36. (i.e. 44H/12s voire 46H/12s) ".
C’est dire que ces dispositions sont radicalement contraires à notre arrêt, ce qui laisse perplexe sur le sort que la Cour de cassation leur réservera si elle est saisie demain d’un pourvoi concernant leur mise en œuvre.
Bernard GAURIAU
Avocat associé IDAvocats
Spécialiste légal en droit social
Agrégé de droit
Professeur à l’Université d’Angers