La désignation d’un délégué syndical obéit à plusieurs conditions, tenant à l’effectif de l’entreprise, au syndicat désignataire ou, encore, au salarié lui-même. Si ces conditions ne sont pas remplies, toute personne intéressée peut saisir le tribunal d’instance, afin qu’il annule la désignation du délégué syndical. Ce contentieux est régi par de nombreuses règles formelles.
1. Compétence exclusive du tribunal d’instance
Il résulte de l’article L. 2143-8 du Code du travail que les contestations relatives aux conditions de désignation des délégués syndicaux légaux ou conventionnels sont de la seule compétence du juge judiciaire.
L’article R. 2143-5 du même code retient la compétence du tribunal d'instance et précise que celui-ci statue en dernier ressort.
Précisons que la contestation de la désignation du représentant de la section syndicale relève également de la compétence du tribunal d’instance, et qu’elle est soumise aux mêmes règles (article L. 2142-1-2 du Code du travail).
Enfin, la désignation d'un délégué syndical en remplacement d'un précédent délégué est un acte nouveau dont la régularité peut être contestée (Cass. soc. 27 mai 2009, n° 08-60508).
2. Personnes recevables à contester la désignation
Le recours en contestation de la désignation d’un délégué syndical est ouvert à l’employeur, aux syndicats, ainsi qu’à toute personne ayant un intérêt à agir.
A cet égard, tout salarié est recevable à contester la désignation d'un délégué syndical dans l'entreprise à laquelle il appartient (Cass. soc. 19 octobre 1993, n° 92-60423).
A moins qu’il n’introduise lui-même l’action en contestation, le représentant de l’entreprise doit être particulièrement vigilant concernant le pouvoir qu’il donne à ses subordonnés d’ester en justice.
Ainsi, est irrecevable la demande en annulation de la désignation d'un délégué syndical présentée par le responsable du personnel d'une association, dès lors que les statuts de cette dernière ne lui confèrent pas qualité pour la représenter et ne prévoient pas la possibilité d'une délégation du pouvoir d'ester en justice (Cass. soc. 4 février 1988, n° 87-60050).
3. Délai de contestation de la désignation
Il convient de distinguer selon que la désignation est contestée par l’employeur ou par un syndicat ou un salarié.
3.1. Contestation par l’employeur
Selon l’article L. 2143-8 du Code du travail, le recours n'est recevable que s'il est introduit dans le délai de 15 jours suivant la notification de la désignation à l’employeur.
Plus précisément, le point de départ du délai de contestation de la désignation est, pour l'employeur, le jour suivant la réception de la lettre de désignation, ou le jour suivant celui où il a eu connaissance certaine de cette désignation (Cass. soc. 16 février 2011, n° 10-60270).
Dans un arrêt récent,
3.2. Contestation par un syndicat ou un salarié
S’agissant des syndicats et des salariés, le délai de contestation de 15 jours court à compter du jour où la désignation est affichée sur les panneaux réservés aux communications syndicales (articles L. 2143-8 et L. 2143-7 du Code du travail).
Il convient de préciser que la preuve de la date de l'affichage pèse sur la partie qui se prévaut de celle-ci (Cass. soc. 17 septembre 2003, n° 01-60895).
La question se pose enfin de savoir comment se compute le délai de contestation.
Pour
Ces règles sont les suivantes :
Article 641, alinéa 1er :
- « Lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas. »
Article 642, alinéa 2 :
- « Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. »
4. Conséquences d’une contestation hors délai
Passé le délai de 15 jours, la désignation est purgée de tout vice et l'employeur ne peut plus soulever ultérieurement une irrégularité pour priver le délégué désigné du bénéfice de sa désignation (article L. 2143-8, alinéa 2 du Code du travail).
Le non-respect du délai de contestation a donc un effet radical car il interdit la remise en cause de la désignation, même si celle-ci était irrégulière (ex. désignation dans une entreprise de moins de 50 salariés).
Par exception, cette forclusion ne joue pas en cas de fraude, comme la collusion entre un délégué syndical, le syndicat l'ayant désigné et le directeur du personnel, afin de rendre irrégulière une procédure de licenciement (Cass. soc. 5 mars 1986, n° 85-60562).
5. Procédure de contestation de la désignation
Le tribunal d'instance statue en dernier ressort sur les contestations relatives aux conditions de désignation des délégués syndicaux légaux ou conventionnels.
L’article R. 2143-5 du Code du travail prévoit les règles suivantes :
- Le tribunal est saisi par voie de simple déclaration au greffe ;
- Il statue dans les 10 jours sans frais, ni forme de procédure et sur avertissement donné trois jours à l'avance à toutes les parties intéressées ;
- La décision du tribunal est notifiée par le greffe dans un délai de 3 jours par lettre recommandée avec avis de réception ;
- Cette décision est susceptible d'un pourvoi en cassation dans un délai de 10 jours.
Le tribunal d’instance compétent est celui du lieu où la désignation est destinée à prendre effet (Cass. soc. 7 octobre 1998, n° 97-60303).
Lorsque la désignation d'un délégué syndical central est destinée à prendre effet au sein d'une UES, le tribunal d'instance du lieu du siège social de l'une des sociétés composant l’UES est compétent pour statuer sur la contestation de cette désignation (Cass. soc. 12 janvier 2000, n° 98-60550).
6. Caducité du mandat du délégué syndical
Si la contestation de la désignation doit être effectuée dans le délai de 15 jours, il faut réserver l’hypothèse de la caducité du mandat du délégué syndical.
En effet, l’employeur peut demander au juge de constater la caducité du mandat du délégué syndical, en raison d’un événement survenu postérieurement à la désignation.
A titre d’exemples, peuvent rendre caduc le mandat de délégué syndical la disparition de l’autonomie de la société à la suite d'une fusion-absorption (Cass. soc. 28 mars 1989, n° 88-60548) ou la réduction de l'effectif de l'entreprise ou de l'établissement (Cass. soc. 11 juin 1987, n° 86-60415).
Avocat Associé
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