Il est parfois reproché au Bilan Carbone® d’être peu opérationnel, l’ADEME elle-même le déplore dans son étude intitulée « Le bilan des bilans carbone », parue en novembre 2010. Dans ce document, qui analyse 284 Bilans Carbone® réalisés entre 2004 et 2010, l’ADEME note que « les recommandations issues d’un BC® sont peu opérationnelles et nécessitent bien souvent des études complémentaires ». Au vu de ce constat, on peut se poser deux questions : le Bilan Carbone® est-il utile et peut-on le rendre opérationnel? Nous répondons OUI et OUI.
Le Bilan Carbone® est-il utile ?
Rappelons quelques éléments de contexte. Que l’on adhère aux conclusions du GIEC[1] ou que l’on soit « climato-sceptique », une évidence s’impose aux entreprises : émettre du CO2 a déjà un coût et celui-ci va augmenter. D’une part les émissions de CO2 sont principalement dues à la combustion des hydrocarbures dont le coût augmente à mesure que les réserves de pétrole diminuent, d’autre part les politiques qui se mettent en place dans de nombreux pays et particulièrement en Europe conduisent à donner un coût au carbone émis.
La monétisation des émissions de gaz à effet de serre et l’augmentation du coût associé est une tendance lourde pour les décennies à venir qui entraînera une modification de l’environnement économique face à laquelle les entreprises doivent se positionner. Conjointement à l’augmentation du coût associé aux émissions de gaz à effet de serre, la sensibilisation des consommateurs aux questions environnementales en général et au changement climatique en particulier continuera à augmenter. L’augmentation des thématiques environnementales dans la communication des grandes entreprises est d’ores et déjà une évidence, indice d’une dynamique naissante.
Pour résumer, si vous pensez que l’environnement est une mode, que les réserves de pétrole augmenteront naturellement pour suivre la demande et que les politiques publiques vont se désintéresser de ces sujets dans les prochaines années, alors il n’y a aucune raison de vous intéresser à votre empreinte carbone. Dans le cas contraire, le Bilan Carbone® peut vous aider à amorcer une dynamique vertueuse de réduction de votre empreinte environnementale.
Faire du Bilan Carbone® un outil opérationnel
Le Bilan Carbone® est avant tout un outil de diagnostic qui permet de calculer les émissions de gaz à effet de serre nécessaires à une activité. Le Bilan Carbone® intègre une dimension cycle de vie. Les émissions sont ainsi réparties en 10 postes couvrant l’ensemble des étapes du cycle de production, de distribution, d’utilisation et de fin de vie des produits et services proposés par l’entreprise. Le profil d’émission résultant de cette répartition par grands postes d’émission permet de déterminer les priorités d’action.
Le Bilan Carbone®, en tant que méthodologie de diagnostic de gaz à effet de serre est parfaitement opérationnel mais une fois le diagnostic effectué encore faut-il passer à l’action puis évaluer le résultat des actions engagées.
L’ADEME considère qu’un facteur clé du succès d’un Bilan Carbone® est le portage du projet au plus haut niveau de l’entreprise (c.à.d. par la direction pour une PME). Cela est nécessaire mais pas suffisant pour permettre l’appropriation de la démarche par l’entreprise et assurer sa pérennité. D’autres éléments nous semblent indispensables.
1. L’entreprise doit avoir la volonté de s’engager dans une démarche d’amélioration continue de ses performances en matière d’émission. Le Bilan Carbone® est un outil de mesure qui doit être au service de l’action en permettant d’intégrer la dimension carbone dans les processus de décision de l’entreprise. Malheureusement, le Bilan Carbone® est trop souvent considéré comme un outil permettant de livrer des solutions clé en main de réduction des émissions dans le cadre d’un projet limité dans le temps, alors qu’il est principalement un outil de comptabilisation dont l’utilité ne se conçoit que comme support d’une politique de gestion permanente des émissions.
2. Le périmètre du Bilan Carbone® doit être défini de façon à faciliter l’action et l’appropriation de la démarche par l’entreprise. La méthodologie de l’ADEME permet de prendre en compte un éventail très large d’émissions mais chercher l’exhaustivité peut être coûteux et contreproductif. Par exemple, pour le poste « Utilisation des Produits», le guide méthodologique de l’ADEME indique que, pour une paire de skis, il faudrait prendre en compte les émissions d’un séjour aux sports d’hiver. Or, outre la difficulté d’estimer ces émissions, l’intérêt opérationnel de les prendre en compte n’apparaît pas évident, le fabricant de skis n’ayant aucun moyen d’agir sur les émissions d’un séjour aux sports d’hiver.
La La prise en compte d’émissions sur lesquelles l’entreprise ne peut agir risque de décrédibiliser la démarche. Ainsi, pour un hôtel recevant une clientèle internationale, les émissions dues aux déplacements des clients pour se rendre à l’hôtel peuvent être plus de 50 fois plus importantes que les émissions dues au fonctionnement de l’hôtel. Prendre en compte ces émissions donne l’impression que l’hôtel ne peut agir que sur moins de 2% de son Bilan Carbone® ce qui n’est pas très mobilisateur.
3. La réalisation du Bilan Carbone® doit mobiliser les différentes fonctions de l’entreprise en les associant au sein d’une équipe projet et dès le démarrage du projet, à la collecte de données et à la conception du plan d’action. L’équipe projet doit avoir un rôle actif dans l’élaboration du plan d’action qu’elle doit identifier comme « son plan ». Cela suppose une bonne compréhension des enjeux et de la méthodologie du Bilan Carbone® qui passe par des temps de formation tout au long du projet. Le plan d’action ne saurait se limiter à une série de mesures, chaque action à mettre en place doit être associée à un objectif, un délai de mise en œuvre et à un responsable désigné.
4. Enfin, il est nécessaire de mettre en place un outil adapté permettant la mise à jour du Bilan Carbone® par l’entreprise de manière autonome. Le tableur Bilan Carbone® de l’ADEME n’est pas très adapté à cet usage car il est difficile à utiliser du fait de sa grande polyvalence.
[1] Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.