Le Grenelle de l’Environnement a fixé l’objectif d’un parc photovoltaïque installé de 5400 MW en 2020.
Cette incitation des pouvoirs publics à utiliser le photovoltaïque dans le cadre du développement des énergies renouvelables, renforcée par les incitations fiscales mises en place par la loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi "TEPA", qui bénéficient aussi aux investissements réalisés dans le capital de sociétés exploitant des centrales photovoltaïques, a suscité de nombreux projets de construction de centrales photovoltaïques (centrales au sol ou en toiture).
Les projets se déroulent généralement selon les phases suivantes :
- signature d’une promesse de bail entre le propriétaire d’un terrain ou le propriétaire d’un bâtiment et le futur exploitant de la centrale photovoltaïque (maître de l’ouvrage). Cette promesse est conclue sous diverses conditions suspensives, dont notamment la signature d'une convention de raccordement avec ERDF
- levée des conditions suspensives (dont l'obtention des différentes autorisations d'exploitation)
- signature d'un bail définitif
- construction de la centrale photovoltaïque.
Le présent article se propose d'identifier les principaux risques liés à ces opérations tant dans le cadre de la relation Bailleur / Preneur (I) que dans le cadre de la relation Maître de l'ouvrage / Constructeur (II).
I. Les risques potentiels dans le cadre de la relation Bailleur / Preneur
Outre les risques habituels en matière de bail, différents risques spécifiques tenant à l'existence d'une centrale photovoltaïque peuvent être identifiés pendant l’exécution du contrat de bail ou à la fin du contrat.
1.1 L’exécution du contrat de bail
i) risque lié à l'activité à l'intérieur du bâtiment
Quelle que soit la nature du bail (civil, commercial, emphytéotique ou à construction), l’intérieur du bâtiment peut être utilisé pour une activité autre que la production d’électricité. Il conviendra donc d’encadrer strictement dans le contrat de bail cette activité, de s'assurer qu'elle est compatible avec la production d'électricité, et de prévoir bien évidement l’obligation par l’exploitant d’être assuré pour cette activité.
ii) risque lié à l’exploitation de panneaux photovoltaïques intégrés au bâti
Lorsque les panneaux photovoltaïques sont intégrés au bâti, ils ont vocation à remplacer le toit du bâtiment. Il convient donc de bien veiller à ce que l'exploitation des panneaux n'affecte pas l'étanchéité du toit car le preneur serait directement responsable de tout dommage de cette nature survenant pendant l'exploitation.
De la même manière, toutes les « contributions et charges de l'héritage » incombent au preneur (C. rur., art. L. 451-8, al. 1er). Il doit ainsi procéder aux réparations de toute nature des constructions existantes au moment du bail et des constructions édifiées en exécution de celui-ci, mais il est dispensé de la reconstruction des bâtiments ayant été détruits par force majeure ou vice de construction antérieur au bail (C. rur., art. L. 451-8, al. 2). Le preneur répond ainsi de l'incendie des constructions édifiées provenant d'un dysfonctionnement de la centrale. En cas de sinistre, le preneur sera tenu de procéder à la reconstruction de l'immeuble ou à la remise en état des parties endommagées ou à la reconstruction des fractions détruites.
Il convient donc de bien assurer ce risque lié à l'exploitation de la centrale.
1.2 - Les risques liés à la fin de contrat
i) le risque lié à la centrale
En matière de bail emphytéotique, l'article L. 451-7, alinéa 2, du Code rural dispose que le bailleur récupère en fin de bail et sans indemnités toutes les constructions, mêmes celles qui ne sont pas expressément prévues par le contrat.
L'application de cet article en matière de centrales photovoltaïques peut se révéler problématique, le bailleur ayant, en théorie, vocation à récupérer la centrale mais ne pouvant pas l'exploiter faute de disposer des autorisations nécessaires. En outre, l'obligation d'achat sera expirée.
Il semble donc indispensable d'inclure dans le bail une stipulation précisant que la centrale sera éventuellement récupérée, sans aucune garantie d'exploitation donnée par le preneur.
ii) les frais de dépose de la centrale
En fin de bail, les obligations de dépose qui pourront être imposées contractuellement au preneur entraineront l'obligation de reconstituer éventuellement la toiture à ses frais.
A défaut de précision dans le bail sur les limites de l'obligation de dépose, le preneur sera tenu de l'ensemble des frais afférents à la dépose. Une attention particulière devra donc être apportée à ce point lors de la rédaction.
iii) Fiscalité de la remise des constructions
Dans le cadre d'un bail à construction, il convient, pour le Bailleur, d'être attentif à la durée du bail :
- Si la durée est supérieure à trente ans, la remise des constructions ne donne lieu à aucune imposition
- Si la durée est inférieure à trente ans, la remise des constructions est imposée comme un revenu foncier. Ce revenu est fixé au prix de revient des constructions, sous déduction d'une décote de 8% par année de bail au-delà de la dix-huitième. En matière de centrale photovoltaïque, il existe un risque pour que l'administration fiscale considère que la centrale fait partie des constructions, ce qui augmenterait d'autant le revenu foncier imposable.
II. LES RISQUES SPECIFIQUES DANS LE CADRE DE LA RELATION MAITRE DE L’OUVRAGE / CONSTRUCTEUR
Dans la relation le maître de l’ouvrage / constructeur, outre les risques habituels en matière de construction, il existe des risques spécifiques liés à l'existence d'une centrale photovoltaïque, et notamment :
- le risque de non-conformité à la réglementation relative aux primes d'intégration (2.1)
- le risque lié à la puissance attendue des panneaux (2.2)
- le risque lié à la durée de la garantie décennale (2.3)
2.1 - Le risque de non-conformité à la réglementation relative aux primes d'intégration
Un risque auquel s’expose le maître de l’ouvrage dans le cadre d’une opération de construction d’une centrale photovoltaïque intégrée au bâti serait la perte de l’éligibilité des équipements à la prime d’intégration au bâti.
En effet, l’arrêté du 10 juillet 2006 instaure une prime à l’intégration au bâti, cette prime visant à faciliter le développement de composants standards de la construction neuve intégrant la fonction de production de l’électricité photovoltaïque.
Les équipements de production d’électricité photovoltaïque doivent remplir certains critères pour être éligibles au bénéfice de la prime d’intégration au bâti. Ces critères sont fixés en annexe de l’arrêté du 10 juillet 2006 qui indique que les équipements de production d’électricité photovoltaïque :
- doivent assurer une fonction technique ou architecturale essentielle à l’acte de construction. Comme le rappelle le guide édité par la DGEMP le 17 avril 2007 : « Un équipement d’électricité photovoltaïque remplit au moins une de ces fonctions lorsqu’il participe pour une construction à la tenue mécanique la protection et la régulation thermique, la protection physique des biens ou des personnes, la recherche d’un esthétisme architectural particulier ».
- doivent venir en substitution d’un ou plusieurs équipements dont la liste exhaustive est définie dans l’arrêté du 10 juin 2006.
Il convient donc d'inclure dans le contrat entre le constructeur et le maître de l’ouvrage une référence à cette prime d’intégration au bâti en indiquant que la construction devra répondre aux critères d’éligibilité à cette prime.
L’installateur devra aussi remettre un certificat attestant que les ouvrages ont été conçus et réalisés dans le respect de la réglementation et des règles de l’art.
2.2 - Le risque lié à la non-conformité des panneaux à la puissance attendue
Les projets photovoltaïques reposent essentiellement sur la puissance attendue des panneaux. Le risque de non-conformité devra donc faire l'objet d'une attention particulière dans le contrat avec le constructeur, en imposant notamment des garanties permettant de compenser la puissance perdue en cas de mauvaise installation ou de vice interne des panneaux, notamment par le biais d'une assurance "erreur thermique".
2.3 - Le risque lié à l'expiration de la garantie décennale
Le contrat d'achat d'électricité ayant une durée de 20 ans, la garantie décennale du constructeur sera insuffisante dans le cadre de la durée d’exploitation prévue. Compte tenu des intérêts financiers en jeu, il conviendra donc d'exiger du constructeur une assurance facultative pour la période de 10 ans suivant l’expiration de la garantie décennale.
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Cette brève revue de quelques risques spécifiques matière de projet photovoltaïque amène naturellement à la conclusion que le maître de l’ouvrage doit, non seulement veiller à la bonne rédaction du bail et du contrat de louage d'ouvrage, mais surtout veiller à ce que le constructeur bénéficie d’une couverture d'assurance adaptée à la construction d’une centrale photovoltaïque.
Enfin, il convient de rappeler que la perte d’ensoleillement est un risque non négligeable dans le cadre de l’exploitation d’une centrale photovoltaïque, qu'il devrait être possible de couvrir par le biais d'une une assurance contre les aléas climatiques.
André FARACHE Compétences |