Mais leur petite taille ne les dispensera pas, pour autant, d’observer les règles qui font le succès des méga-fusions. C’est prouvé par de nombreuses études ; en effet, si les audits financiers sont plutôt bien faits, l’absence de définition préalable de gouvernance de la nouvelle structure, d’organisation en amont, du leadership et de refus d’assimilation de la culture de l’absorbé, sont les erreurs les plus fréquemment commises.
Il n’y a pas vraiment de différence dans la conception d’une acquisition, au niveau d’une TPE/PME. Seuls les moyens mis en œuvre diffèrent.
En France, près de 600 000 entreprises seront concernées, annuellement, par un projet de transmission au cours des 10 prochaines années (Source : OSEO/INSEE). C’est un chiffre considérable. Il serait dommage que de mauvaises pratiques d’acquisition fassent disparaître certaines d’entre elles. Aussi doit-on, lorsqu’on envisage de croître par acquisition, respecter une logique en 6 points :
1. Croissance externe : stratégie / opportunités
Une volonté d’acquisition se construit sur une stratégie cohérente définie par un acquéreur enthousiaste et désireux d’entreprendre, mais aussi lucide sur ses capacités et s’entourant de conseils maîtrisant les techniques d’intégration, qui interviennent aujourd’hui bien en amont du processus d’acquisition. L’heure n’est plus à l’improvisation.
Les risques qu’une mauvaise acquisition fait courir à l’acquéreur sont aujourd’hui considérables : risques financiers, bien sûr, mais aussi, en France, risques sociaux. L’entreprise qui veut faire de la croissance externe ne peut pas, à chaque nouvelle acquisition, prendre le risque d’être entraînée par sa cible dans des difficultés insurmontables.
Surtout, les Objectifs doivent correspondre à une nécessité. Consolidation ou gain de part de marché, exploitation de nouvelles sources de revenus, conservation des talents dans l’organisation ou prémunition de l’intensification de la concurrence sont les motivations de la croissance externe. Encore faut-il avoir organisé son entreprise pour atteindre ces objectifs. Et quand des opportunités se présentent, elles doivent, elles-aussi, être conformes aux objectifs fixés.
2. Définition des cibles et des principes du processus d’intégration
C’est en construisant bien son projet et en en prévoyant le financement qu’on parvient à le faire aboutir. Il faut être prêt. En cas d’opportunité, c’est souvent le plus rapide qui gagne et le plus rapide, c’est toujours celui qui dispose déjà des moyens financiers.
On remplacera l’inspiration et l’irrationnel par la rigueur. Faire le bilan de ses expériences passées, être extrêmement lucide sur ses capacités métiers / sectorielles, identifier clairement ses motivations sont les éléments qui marquent le point de départ de la réflexion de tout chef d’entreprise qui a intégré la croissance externe à sa stratégie. L'honnêteté et la préparation sur un plan personnel autant que professionnel sont aussi souvent gages d'un projet clair et bien pensé.
Dès le départ, il faut savoir ce que l’on fera de la cible, comment on la gouvernera et comment on l’intègrera. Cela implique des efforts de la part de l’acquéreur, plus ou moins grands selon la nature de la cible.
3. Recherche de cibles
Lorsqu’on a bien défini une stratégie, la recherche de la cible n’est plus qu’une mécanique, tant sont nombreux, aujourd’hui, les annuaires et les banques de données virtuelles. Mais attention ! Au moment où il apparaît enfin possible de prendre les premiers contacts, le schéma d’intégration post-acquisition doit avoir été bouclé. Même si des aménagements sont évidemment envisageables, les grandes lignes de l’action future auront été définies. Il est inimaginable d’aborder une cible potentielle en laissant une part à l’improvisation ; c’est courir le risque de l’échec.
4. Séduction par un projet structuré jusqu’à l’intégration définitive
Le projet d’abord. Il faut savoir présenter un beau concept à la cible qu’on veut séduire et démontrer que le projet d’acquisition fait sens. L’enthousiasme qui anime l’acquéreur doit se communiquer au cédant afin de l’amener à reconnaître que c’est la meilleure solution pour son entreprise. Puis, avec diplomatie, l’acquéreur en détaillera la valeur ajoutée, la gouvernance, les méthodes futures.
Le facteur humain ensuite. La plupart des professionnels qui œuvrent dans la transmission d’entreprise insistent sur l’importance, souvent déterminante, du facteur humain dans le choix des candidats à la cession. L’acquéreur devra donc user de finesse et de psychologie afin d’analyser très rapidement la personnalité du cédant. C’est presque toujours la façon d’aborder le facteur humain qui séduira ou repoussera.
Les conditions enfin. Ce n’est qu’à l’issue d’échanges consensuels sur l’hypothèse d’une acquisition que se négocieront les conditions, ou plutôt que l’acquéreur tentera de percevoir les exigences du cédant, même si c’est lui qui a pris l’initiative du démarrage des discussions.
5. Habileté dans la conduite de la négociation et due diligences
Une relation dans le temps. Au-delà de la première rencontre et des négociations proprement dites qui ont lieu dans la foulée, le processus de reprise dure des semaines, principalement du fait des diligences ou des délais administratifs. Une période durant laquelle l’acquéreur devra se montrer proactif et maintenir une relation dans le temps avec le cédant. Pour ce faire, il suffit souvent de peu de choses, comme quelques mails ou coups de téléphone, pour demander des renseignements supplémentaires sur l’entreprise par exemple.
Pendant les diligences. Qu’on le veuille ou non, cette période est une période conflictuelle. Le protocole d’accord a été conclu sur des déclarations de la part du cédant, déclarations qui ont permis de justifier du prix. Or, les conseils mandatés par l’acheteur vont, par une lecture beaucoup plus critique des éléments à vérifier, tenter de réduire ce prix. Cette période de discussions et d’arguties va laisser des traces au moment de l’intégration, une fois le closing signé.
Les rédactions qui fâchent. En particulier, la garantie de l’actif et du passif. C’est toujours l’élément le plus rédhibitoire pour le cédant. Et toutes les mesures envisagées ensuite pour garantir les garanties rendent le cédant de plus en plus agressif.
6. Signature définitive (Closing) et démarrage immédiat de l’intégration.
Voilà donc l’état dans lequel les protagonistes d’une fusion arrivent lorsqu’ils ont quand même réussi à signer le closing : en lambeaux, sur le plan psychologique. Les diligences ont laissé des traces profondes. Bien négocier l'après-reprise, et savoir se faire accompagner pendant cette période, sont donc les clés de voûte de la réussite d'un projet d’acquisition. C’est dans ce laps de temps que l’acquéreur doit à la fois prendre le contrôle de l'entreprise, imprimer sa marque et rassurer tout son écosystème. Il dispose de 6 mois pour s'imposer et engager les réformes nécessaires à l'entreprise. Son accompagnement par un conseil spécialisé et, idéalement, par le cédant, pendant une période déterminée, assez courte, en général, sont des éléments de réussite très importants.
Au-delà, l'expérience démontre que l'échange avec un conseil spécialisé est au cœur de la réussite d'une reprise. Confronter ses questions et ses solutions avec d'autres, qui ont rencontré les mêmes problématiques, peut largement aider l’acquéreur à sortir de sa solitude et à valider ses choix. Il faut pour cela sortir des cadres d'échanges sectoriels habituels. Le temps des boutiques d’achats/ventes d’entreprises par petites annonces est révolu. C’est d’un coaching professionnel dont l’acquéreur a besoin.
Une période d’accompagnement post acquisition réussie constitue un atout-maître pour l’acquéreur car celui-ci découvre souvent avec le cédant comment se vit sur place son métier de patron, fait connaissance avec les salariés dans les meilleures conditions et parfois, découvre un secteur d’activité qui ne lui est pas familier. Cette phase d’accompagnement durera au maximum six mois.
Ce n’est qu’une fois traversée cette période que l’acquéreur saura s’il a pris une bonne décision ou non. Mais s’il a suivi un parcours rigoureux dans sa démarche, il se sera épargné bien des déconvenues.
Alain Goetzmann,
Delta Inter Management Corporate Finance,
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