Sylvain Malaubret Entre méfiance non dissimulée des banques et risques associés aux marchés boursiers, pour les dirigeants de PME, la quête de financement relève souvent du chemin de croix

Heureusement, pour financer leur développement, ils peuvent aussi se tourner vers les professionnels de l’investissement en capital dont les pratiques dessinent les contours d’une finance plus collaborative. Fondée sur la notion de partenariat chère à de plus en plus de sociétés de gestion, c’est une solution beaucoup plus sécurisante pour les entrepreneurs. Surtout en période de crise.

 

Pas facile pour les entrepreneurs d’obtenir un crédit en poussant la porte de leurs banques, en se disant qu'ils vont devoir taper à plusieurs d'entre elles avant d'obtenir quoi que ce soit! En effet, échaudées par la crise, les grandes institutions bancaires sont obnubilées par la limitation de leurs risques. Elles sont donc plus frileuses que jamais lorsqu’il s’agit de financer des démarches entrepreneuriales comportant – par essence – une part de risque.

 

Des banques méfiantes face aux PME

On constate tout particulièrement que les banques sont plus réticentes à apporter des capitaux aux PME non cotées. Pis : cette réticence frappe plus durement les entreprises positionnées dans l’économie de la connaissance dont le capital est, par nature, plus immatériel.

Financer l’achat de biens matériels tangibles passe encore… Mais pour un programme de R&D ou un projet d’implantation à l’étranger, il faudra repasser !

Le phénomène est malheureusement classique. Comme l’écrivent Michèle Paulin, professeur associé à la John Molson School of Business et Soumaya Ben Letaifa, professeur à l’Université du Québec à Montréal, « dans une situation de crise, les banques renforcent leur conservatisme, appuyées par les gouvernements, tandis que l’entrepreneurship et l’innovation sont pris en otage » (1). Notons d’ailleurs au passage que cette attitude pose un vrai problème de fond dans la mesure où le développement de ces entreprises est le principal moteur de la croissance et le premier gisement d’emploi… Or comment pourraient-elles croître, placées dans l’incapacité d’obtenir les fonds nécessaires à leur développement ?

Une situation d’autant plus regrettable que la France manque cruellement d’entreprises de taille intermédiaires (ETI) dont l’ancien patron du CNPF, Yvon Gattaz, vante avec détermination les qualités dans le contexte de la mondialisation (2)…

 

Un marché boursier instable et contraignant

Lorsque l’on est entrepreneur et que l’on croit au potentiel de son entreprise, une solution alternative aux banques peut consister à se tourner vers les marchés boursiers. Toutefois, ce choix n’est pas sans inconvénient.

Le premier risque est bien connu : c’est celui, non négligeable en temps de crise, d’être confronté à une valorisation inférieure au potentiel réel de l’entreprise. Les PME sont en effet, par nature, moins bien armées pour résister à des tourmentes boursières comme celles vécues durant l’été.

Et ce n’est pas tout. Comme le souligne Dominique Senequier, président du Directoire d’Axa Private Equity, « la présence sur le marché boursier impose aux  petites et moyennes entreprises des coûts qui peuvent être lourds à supporter. Ensuite, les entreprises cotées en bourse doivent se conformer à des obligations de plus en plus strictes en matière de diffusion d’information, de gouvernance  et de réglementation, ce qui généralement incite les responsables à adopter des stratégies à plus court terme en raison de l’obligation de  reporting » (3).

Faut-il alors renoncer à aller de l’avant et se résigner à n’investir que sur ses fonds propres ? Impensable à l’heure de la mondialisation où la concurrence est féroce et où les opportunités exigent d’être saisies avec une réactivité accrue !

 

Les fonds d’investissement : du « transactionnel » au « relationnel »

Une solution peut consister à se tourner vers les professionnels de l’investissement en capital, c’est-à-dire vers des sociétés gérant des fonds d’investissement. Certains entrepreneurs y sont parfois réticents, notamment en raison de l’amalgame qui est parfois fait entre les fonds d’investissement et les fonds alternatifs. Or, ils sont de nature parfaitement distincte (4).

En effet, tandis que les premiers investissent généralement sur une durée de 5 ans en moyenne, les seconds ne s’engagent que rarement au-delà de 18 mois. Si bien que la nature des liens noués par l’investisseur avec l’entrepreneur est radicalement différente. Pour reprendre une distinction chère à Michèle Paulin, les fonds d’investissement ne sont pas dans une pratique « transactionnelle » mais authentiquement « relationnelle ».

Un des associés fondateurs de Pragma Capital, Gilles Gramat insiste sur cette dimension. « Notre valeur ajoutée réside dans notre approche collaborative. Pragma Capital ne se contente pas d’avancer des fonds et d’exiger un rendement. Nous apportons aussi notre expertise en matière de stratégie, d’analyse des risques, de conduite du changement, mais également en matière de gouvernance… Notre relation relève donc véritablement de la collaboration avec forte réactivité. »

Pour les entrepreneurs, les investisseurs peuvent donc aussi devenir de véritables partenaires soucieux de répondre à toutes les sollicitations au-delà même des seules questions purement financières.

Pour Gilles Gramat, « il ne peut en être autrement, car le principe même de la participation au capital sur une durée pluriannuelle lie notre destin à celui des entreprises dans lesquelles nous prenons des participations. C’est du reste ce qui fait le sel de notre métier : au-delà des aspects purement financiers, nous avons le sentiment d’apporter notre contribution aux aventures entrepreneuriales auxquelles nous croyons. Y compris lorsque les managers font face aux inévitables aléas qui jalonnent la vie d’une entreprise en croissance ».

Autrement dit, lorsqu’ils sont fidèles à leurs valeurs, les gestionnaires de fonds d’investissements peuvent constituer un précieux pont entre l’univers de la finance et celui de l’entreprise. C’est ce qui contribue à en faire des partenaires naturels des entreprises en croissance. Tout particulièrement dans les périodes incertaines comme celle que nous traversons.

 

(1) « Remise en question du bancaire relationnel : le cas des PME », par Michèle Paulin et Soumaya Ben Letaifa, Cahier de recherche, chaire de management des services financiers de l’Ecole supérieure de gestion de l’Université du Québec à Montréal, février 2009.
(2) Sur ce sujet, voir notamment le site du syndicat des Entreprises de taille intermédiaire et des Entreprises patrimoniales : http://www.asmep-eti.fr/
(3) « Quel avenir pour le Private Equity ? », ParisTech Review, 03/06/10.
(4) A ce propos, voir l'article«Cycle de vie des participations: les critères extra-financiers rendent au capital-investissement sa vocation première», sur Le Cercle Les Echos, 29/09/2011

 

Sylvain Malaubret Sylvain MALAUBRET

Journaliste/pigiste économie-finance