Jean Christophe BonisVoici les conclusions d’une étude réalisée par McKinsey & Compagny dans le cadre de son partenariat avec le Women’s Forum for the Economy & Society en 2007.

1. Créer la transparence en mettant en place des indicateurs de mixité dans les entreprises

La mise en place et le pilotage d’indicateurs de mixité constituent une première étape indispensable à tout changement. Parmi les principaux indicateurs, on peut citer : la proportion de femme dans les différents métiers de l’entreprise, aux différents échelons, et parmi les personnes recrutées, les écarts de rémunération ou le taux d’attribution des hommes et des femmes à des fonctions comparables, le ratio de femmes promues par rapport aux femmes éligibles à une promotion.

Ce suivi doit susciter une prise de conscience de l’ampleur des écarts à combler au sein de l’organisation et il doit également servir d’outil de diagnostic et de pilotage des actions prioritaires.
Il faut à cet égard écarter toute notion de quotas dont les effets secondaires peuvent être dramatiques pour les bénéficiaires et sont souvent considérés comme inacceptables.
Certaines entreprises industrielles qui ont des difficultés à attirer les femmes, ont par exemple décidé de faire de leur recrutement un levier prioritaire, allant jusqu’à organiser des campagnes d’information du grand public. C’est le cas d’IBM qui réalise des interventions dans les écoles primaires et les collèges afin de sensibiliser les jeunes filles et les enseignants aux métiers scientifiques et techniques.

2. Mettre en place des mesures qui permettront de mieux concilier vie privée et vie professionnelle

Deux types de mesures s’imposent :

+ La flexibilité du temps de travail. Cette flexibilité (ex : travail à distance, horaires flexibles, temps partiel, temps choisi) ne doit pas être uniquement conçue pour un public féminin, mais elle doit s’insérer dans une évolution globale du modèle de l’entreprise. Sur un plan simplement pragmatique, des facteurs tels le coût de l’immobilier, par exemple, peuvent encourager les entreprises à développer le travail à domicile qui permet d’utiliser un certain nombre de bureaux « mobiles », au delà même des bénéfices qu’en retirent les employés.

+ La flexibilité des carrières et l’accompagnement lors des périodes de césure. Ce n’est pas simplement un jour, une semaine ou une année qui doivent être flexibles, c’est toute la carrière. Les carrières de femmes étant souvent discontinues, cet aspect doit être pris en compte pour s’assurer qu’il n’y a pas d’impact négatif sur la progression de carrière ou sur le salaire. Ainsi, parmi les diplômées de l’enseignement supérieur interrogées par Harvard, 58% décrivent leur carrière comme non linéaire et seules 5% des femmes souhaitant reprendre le travail après une interruption veulent revenir dans l’entreprise d’où elles venaient. C’est dire combien les entreprises doivent progresser.

A cet égard, le congé maternité constitue la principale source de discontinuité et doit être géré activement si l’on veut s’assurer que les femmes reprennent le chemin de l’entreprise. Les meilleures entreprises en la matière s’assurent de maintenir le lien lors du congé, réalisent des entretiens individuels avant et au retour du congé de maternité afin de s’assurer de la bonne réintégration des salariées et surveillent de près les augmentations de salaire et les bonus dans les années qui suivent ces congés. Certaines vont plus loin en cherchant à sensibiliser les managers sur ce sujet, par des brochures qui expliquent les démarches à suivre ou même par des modules de formation destinés à gérer au mieux cet événement.

3. Faire évoluer les processus de gestion des ressources humaines

Parallèlement, les entreprises doivent s’assurer que leurs systèmes de recrutement, d’évaluation et de gestion de carrière ne pénalisent pas la carrière des femmes. Par exemple, l’identification des hauts potentiels, souvent limitée au cadre entre 28 et 35 ans dans les entreprises pourrait évoluer vers des critères plus souples et intégrer le nombre d’années d’ancienneté dans l’entreprise, afin de prendre en compte d’éventuelles maternités. Au delà de la réforme des processus, les ressources humaines ont un rôle d’aiguillon essentiel pour sensibiliser les managers opérationnels et identifier les candidatures féminines. Concernant les promotions, de nombreux dirigeants suggèrent de s’assurer de la présence d’au moins une femme dans les candidatures.

Certaines entreprises, telles que JP Morgan, ont organisé des formations auprès des recruteurs et des managers opérationnels pour les sensibiliser à l’importance de la diversité et balayer les préjugés qui affectent leurs décisions. Enfin, l’entreprise doit pouvoir proposer des parcours individualisés, pour garder les meilleurs talents. La flexibilité dans la gestion des ressources humaines doit accompagner la flexibilité du temps de travail.

4. Aider les femmes à maîtriser les codes dominants et cultiver l’ambition

Enfin, il faut aider les femmes à maîtriser les codes de l’entreprise. Des programmes de coaching, d’aide à la construction de réseau ou de mentoring sont des moyens très efficaces pour amener les femmes à prendre conscience des autolimitations qu’elles s’imposent et à gérer leur carrière dans un environnement masculin.
Ainsi, le FTSE-100 Cross-Company Mentoring Program en Grande-Bretagne et le programme équivalent du Cac 40 permettent de mettre en contact des femmes à fort potentiel de réussite avec les dirigeants des plus grandes entreprises, pour leur offrir à la fois un mentor et de nouvelles perspectives de carrière.
Les femmes ont également besoin d’être sensibilisées à la nécessité d’activer les réseaux. La mise en place de réseaux féminins au sein de l’entreprise permet non seulement d’opérer cette sensibilisation, mais aussi d’accroitre la visibilité des leaders féminins au sein de l’organisation, ce qui est essentiel pour aider les jeunes femmes à s’identifier dans des rôles modèles.
Sources de motivation et de développement pour les femmes, ces initiatives ont souvent des résultats remarquables en terme de maintien et même d’augmentation du réservoir de talents féminins au sein des entreprises.
Beaucoup d’entreprises, réticentes à mettre en place des mesures uniquement dédiées aux femmes, les élargissent à l’ensemble du personnel.


Jean Christophe BonisJean-Christophe BONIS
Président fondateur d’Oxymore Inc.
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