Le marché de la reprise d’entreprise présente un réel potentiel, plus de 700 000 chefs d’entreprise devant atteindre l’âge de la retraite dans les dix prochaines années.
De prime abord, une telle opération est plus que tentante car propre à limiter les facteurs d’échec : une activité pérenne, une clientèle fidèle, des locaux et matériels, un personnel formé etc… Cependant, à cinq ans, une reprise sur trois échoue. Les difficultés à la reprise sont nombreuses : trouver une belle affaire à reprendre, financer le coût de la reprise plus élevé que celui d’une création, être prêt à faire face à de longues négociations, avoir le potentiel humain et professionnel pour assurer la reprise.
Le candidat à la reprise doit donc soigneusement préparer et murir son projet afin de faire de la reprise un succès.
La stratégie de reprise
- Analyser son profil
Le candidat doit s’interroger sur ses motivations (goût de l’indépendance, volonté de développer une activité existante, etc.) et ses objectifs (reprendre une entreprise pour la conserver ou plutôt pour la revendre rapidement en réalisant une plus value, etc.).
Il doit également faire l’inventaire de ses atouts et obstacles d’un point de vue financier, humain et professionnel (capacité d’investissement, droits et obligations découlant de sa situation professionnelle, expérience et compétence professionnelle, projection de carrière, contrainte familiale, qualité humaine de management, etc.).
- Définir sa cible
Le candidat doit déterminer le secteur d’activité recherché, le profil de l’entreprise (sa structure, sa taille, son mode de fonctionnement, etc.), sa potentialité, son lieu d’implantation, le prix de cession (à tout le moins une fourchette) et les modalités de la reprise (reprise du fonds de commerce, reprise d’une PME, LBO). De la cohérence du projet dépendra sa crédibilité.
- Trouver sa cible
Une fois sa cible déterminée, le candidat a à sa disposition de nombreuses pistes de recherches pour trouver une entreprise à reprendre, notamment son réseau amical, professionnel et familial, les bulletins d’opportunité, les réseaux d’entrepreneurs intermédiaires, les fonds d’investissement, les salons professionnels, les experts comptables, notaires et avocats, les présidents de zones industrielles, les démarches directes, etc.
Le candidat doit cependant être conscient que rares sont les opportunités et que le cédant souhaitera dans la mesure du possible garder la cession confidentielle. En réalité, il n’existe pas de marché organisé où se rencontrent offre et demande. Le temps destiné à la recherche est en conséquence souvent très long.
- Diagnostiquer sa cible
Sa cible trouvée, le candidat entame une étude approfondie de l’entreprise afin d’établir une stratégie de développement de l’entreprise, et pour se faire devra s’intéresser :
- à la réalité de l’entreprise notamment en levant un extrait Kbis de l’entreprise,
- au potentiel de l’entreprise, à son environnement (marché, concurrence), à la réglementation en vigueur applicable (changement éventuelle de législation à venir, nécessité d’agrément pour certaines activités),
- à la santé financière de l’entreprise (trois derniers bilans et comptes de résultat, méthodes et règles comptables appliquées), et aux engagements de caution éventuels des dirigeants et associés,
- aux risques sociaux (contrats de travail, accord sur les salaires et primes de départ, âge des salariés, éventuelles procédures prud’homales, etc.). Il est important de se rendre sur place afin de discuter avec les salariés pour avoir un aperçu du climat social, ou de solliciter en cas de refus la communication des copies des derniers redressements URSSAF notamment,
- à l’outil industriel de l’entreprise,
- à la clientèle (forte dépendance à un client, solvabilité de la clientèle, etc.) ,
- à la protection de la marque, des brevets, etc.
- à la conformité des locaux et au titre locatif (bail commercial),
- à l’environnement humain (influence du dirigeant actuel, présence d’une équipe clé autour du dirigeant),
- à l’évaluation par un expert de la valeur de l’entreprise.
Cette étape nécessite la mise en place d’un dialogue direct avec le cédant afin d’obtenir le plus d’informations possibles, mais également d’établir une relation de confiance propre à faciliter les négociations à venir.
- Sécuriser la reprise
Une fois le diagnostic effectué, une phase de négociation s’engage avec le cédant qui peut être longue, notamment sur le prix de cession. Le candidat doit à ce stade s’entourer de conseils spécialisés. Le repreneur devra en effet assurer ses arrières dans la mesure du possible : clause de garantie du passif dans le cadre d’une cession de parts ou d’actions de société, avec cautionnement de la garantie si possible, clause de non concurrence, période d’accompagnement du cédant, clause de l’earn out (paiement d’un bonus suivant les résultats obtenus après la reprise) ou de crédit-vendeur (versement d’une somme complémentaire à une date déterminée).
Le repreneur devra également définir la politique de gestion des ressources humaines de l’entreprise, élaborer un plan de financement et un compte de résultat prévisionnels avec émergence d’un seuil de rentabilité (incluant les frais de mutation), sans oublier les fonds propres et les besoins en fonds de roulement, et se rapprocher du Registre du Commerce et des Sociétés ou du Centre des Formalités des Entreprises pour se renseigner sur les formalités administratives à accomplir.
Le business plan
Ce document, essentiel à la préparation d’un projet de reprise, reprend l’ensemble des éléments constitutifs du projet en les mettant en lien avec les autres indicateurs (marché, politique de communication, politique commerciale, etc.). Il comprend ainsi les données relatives au projet, au repreneur, au marché (concurrence), à l’entreprise cible, et au financement. Cet élément permet de s’assurer de la viabilité du projet et a vocation à être présenté aux partenaires de l’entreprise (banque, etc.). En ce sens, son élaboration est essentielle pour « vendre » le projet.
Les accompagnants à la reprise
Outre les professionnels du droit et du chiffre, le futur repreneur pourra se tourner utilement vers les Chambres du commerce et de l’industrie, les Chambres de métiers et de l’artisanat, les associations spécialisées (association des cédants et repreneurs d’affaires - CRA, Entreprendre en France, France Initiatives, etc.).
Le rachat de l’entreprise
L’entreprise peut faire l’objet de deux modes de transmission.
- Le rachat du fonds de commerce
Cette opération implique la cession des immobilisations corporelles (matériel, véhicules, installations) et des immobilisations incorporelles (clientèle, enseigne, droit au bail, marque, etc.), outre les stocks. L’acquisition est nette de tout passif, à l’exception des contrats de travail, bail et assurances. Le prix de rachat sera donc plus élevé qu’en cas de rachat de titres, et les frais de mutation plus importants.
Les droits d’enregistrement sont soumis au taux de 3% pour la fraction du prix de cession comprise entre 23.000 euros et 200.000 euros et 5% au-delà. Ce taux est abaissé dans certaines zones notamment dans le cadre de l’aménagement du territoire. Un abattement de 300.000 euros est également applicable notamment pour les certaines cessions au profit des salariés ou des proches.
Les intérêts d’emprunts contractés pour la reprise sont déductibles des résultats de l’entreprise.
- Le rachat des parts sociales ou actions
Cette option permet le rachat intégral de l’actif et du passif. Le repreneur bénéficie de l’antériorité du crédit de l’entreprise, ce qui lui permet d’obtenir des délais de paiement auprès de ses fournisseurs. Dans le cadre du rachat des droits sociaux, le repreneur n’acquiert que la propriété des titres, les actifs étant détenus par la société.
Les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d’enregistrement égal à 3%, plafonné à 5.000 euros par mutation en cas de cessions d’action, à 3% avec un abattement de 23.000 euros sur le montant de la cession sur les cessions de parts sociales (SARL, etc.), et à 5 % pour les cessions de participations détenues dans les sociétés à prépondérance immobilière non cotées. Les frais financiers réglés par un associé pour acquérir les titres d’une société de personne (type Société en non collectif) sont déductibles de la quote-part du bénéfice de la société lui revenant s’il exerce une activité professionnelle dans cette société. Les frais financiers exposés pour acquérir les actions d’une société de capitaux (type SA) ne sont pas en principe déductibles du revenu imposable, à l’exception des intérêts d’emprunt sous certaines conditions. Des réductions d’impôt et exonération d’ISF sont également prévues par la loi.
Les conséquences juridiques, financières et fiscales sont à examiner avec soin par le repreneur pour faire son choix.
Le financement du rachat
- L’apport personnel
- Le crédit ou les concours bancaires, en faisant éventuellement recours à un courtier en prêt professionnel
- OSEO est un établissement public d’état qui a pour mission de financier et d’accompagner les PME. Elle intervient ainsi pour financer le démarrage des entreprises ou garantir les financements bancaires.
- La caution mutuelle de la SIAGI, société de caution mutuelle de l’artisanat et des activités de proximité, auprès des PME de moins de 20 salariés et de moins de 20 millions de CA dans une enveloppe plafonnée à 2 millions d’euros par dossier.
La direction de l’entreprise
Une fois l’opération réalisée, le repreneur devra prendre la direction de l’entreprise et prendre le leadership auprès du personnel, des partenaires et interlocuteurs extérieurs sans délai, et appliquer le plan de reprise.
Ainsi, pour conclure , le candidat à la reprise doit être conscient qu’il n’y a pas de reprise sans risque tant d’un point de vue financier que personnel. Il n’existe pas de reprise d’entreprise idéale, et le repreneur n’est pas à l’abri des mauvaises surprises. Le risque doit être évalué au maximum et maîtriser dans la mesure du possible en amont.
Me Gwénaëlle BOUILLE, Avocat, Cabinet ALCANCE