Xavier BERJOTDe très nombreux salariés utilisent un véhicule de service dans le cadre de leurs fonctions. Il n’est pas toujours aisé, pour l’employeur, de savoir qui doit payer les amendes liées à une infraction commise par le salarié.

1. Principe : une responsabilité personnelle

Selon l’article L. 121-1, alinéa 1er du Code de la Route :

- « Le conducteur d'un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule. »


Conformément à ce texte, le salarié supporte donc, par principe, la responsabilité du paiement des amendes, à condition bien sûr qu’il soit le conducteur ayant commis l’infraction.

Ce texte est conforme aux règles générales du droit pénal, selon lesquelles la responsabilité pénale est personnelle.

 

2. Première exception : mise à la charge de l'employeur du paiement des amendes

Par exception, le tribunal de police peut décider de mettre à la charge de l’employeur le paiement des amendes.

Cette solution est prévue par l’alinéa 2 de l’article L. 121-1 précité, selon lequel :

- « Toutefois, lorsque le conducteur a agi en qualité de préposé, le tribunal pourra, compte tenu des circonstances de fait et des conditions de travail de l'intéressé, décider que le paiement des amendes de police prononcées en vertu du présent code sera, en totalité ou en partie, à la charge du commettant si celui-ci a été cité à l'audience. »

Pour la Cour de cassation, le texte (ancien article L. 21, devenu l’article L. 121-1) n’institue pour le juge du fond qu’une simple faculté dont l'usage relève de sa seule appréciation (Cass. Crim. 11 juillet 1978, n° 78-90340).

Une réponse ministérielle du 19 avril 1968 (Rép. Cartier : AN 19 avril 1968) avait donné quelques indications sur la mise à la charge de l’employeur du paiement de ces amendes :

- « Les exigences de l'alinéa 2 de l'article L 21 peuvent être considérées comme réunies chaque fois qu'à un titre quelconque le comportement de l'employeur a pu influer sur la commission de la contravention par le préposé : tel serait le cas, par exemple, du refus de priorité commis par un chauffeur salarié ayant pour instruction d'effectuer une livraison dans un délai trop strictement limité, de la faute de conduite imputable à un préposé fatigué par un trajet trop long imposé par son patron, etc. »

A contrario, il est permis de considérer que les amendes devraient être acquittées par le salarié, si l’employeur n’a pas, directement ou indirectement, incité son préposé à commettre l’infraction.

 

3. Deuxième exception : responsabilité pécuniaire du titulaire du certificat d'immatriculation

Il résulte de l’article L. 121-2 du Code de la route que le titulaire du certificat d'immatriculation (« carte grise ») du véhicule est responsable pécuniairement des infractions à la réglementation sur le stationnement des véhicules ou sur l'acquittement des péages pour lesquelles seule une peine d'amende est encourue.

Lorsque la carte grise du véhicule est établie au nom d'une personne morale, cette responsabilité pécuniaire incombe au représentant légal de cette personne morale.
L’employeur peut néanmoins échapper au paiement de l’amende, à condition d’établir l'existence d'un événement de force majeure ou de fournir des renseignements permettant d'identifier l'auteur véritable de l'infraction.

Cette responsabilité pécuniaire est également prévue par l’article L. 121-3 du Code de la route, pour les amendes encourues pour les contraventions à la réglementation :

- Sur les vitesses maximales autorisées,
- Sur le respect des distances de sécurité entre les véhicules,
- Sur l'usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules,
- Sur les signalisations imposant l'arrêt des véhicules.

Ici encore, l’employeur peut se dégager de sa responsabilité, en établissant l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure, ou en apportant tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction.

En tout état de cause, la personne déclarée redevable en application de l’article L. 121-3 n'est pas responsable pénalement de l'infraction.

Par conséquent, si le juge déclare l’employeur redevable pécuniairement, sa décision ne donne pas lieu à inscription au casier judiciaire, ne peut être prise en compte pour la récidive et n'entraîne pas retrait des points affectés au permis de conduire.

Enfin, précisons que l’employeur ne peut pas échapper à la responsabilité pécuniaire prévue par les articles L. 121-2 et L. 121-3 s’il se contente d’établir qu’il n’a pas pu, matériellement, commettre l’infraction.

En effet, la Cour de cassation considère qu’il doit, en outre, fournir les renseignements permettant d'identifier l'auteur véritable de l'infraction (Cass. crim. 26 novembre 2008, n° 08-83003).

En pratique, le nom du salarié concerné doit être communiqué aux autorités compétentes par l’employeur.

 

4. Question du remboursement des amendes par le salarié

Si l’employeur a été déclaré redevable pécuniairement, se pose alors la question de savoir s’il peut exiger du salarié le remboursement des amendes liées à ses infractions, en pratiquant une retenue sur salaire.

Pour la Cour de cassation (Cass. soc. 11 janvier 2006, n° 03-43587) « la retenue sur salaire pour le remboursement des contraventions afférentes à un véhicule professionnel mis au service du salarié est illégale, fût-elle prévue par un contrat de travail. »

La retenue sur salaire, pratiquée de manière unilatérale, est ainsi interdite.

L’employeur a donc deux solutions :

- Pratiquer la retenue sur salaire avec l’accord du salarié, ce qui est concevable si celui-ci reconnait sa responsabilité ;

- Saisir le conseil de prud’hommes pour être autorisé à pratiquer la retenue sur salaire.


En conclusion, si le Code de la route retient dans certains cas la responsabilité pécuniaire de l’employeur, pour des raisons pratiques évidentes, cette responsabilité n’est pas définitive et le salarié ne peut lui-même y échapper.


Xavier BERJOTXavier BERJOT

Avocat Associé
OCEAN AVOCATS

www.ocean-avocats.com