Corinne Champagner KatzMieux maîtriser notre destin industriel suppose que les entreprises françaises adoptent dès à présent une « stratégie d’ensemble », selon la formule employée par Monsieur le Ministre Christian Estrosi . Face à la crise mondiale et à leur perte de compétitivité, les industries françaises doivent en effet refonder leurs relations pour travailler ensemble et faire face à la concurrence mondiale. Cette « logique de partenariat », que Monsieur le Ministre a appelé de ses vœux, peut trouver un appui, aussi inattendu que puissant, dans le droit de la propriété intellectuelle.

Les règles de la propriété littéraire et artistique et de la propriété industrielle organisent des monopoles au profit des titulaires de droits (droits d’auteur, droits à titre de marque, de dessins et modèles ou de brevet) leur permettant d’interdire, en particulier à leurs concurrents, d’empiéter sur leur monopole d’exploitation.

Mais ce corpus juridique comprend également certains mécanismes – souvent méconnus – qui organisent une forme d’« oligopole de partenariat » permettant le rapprochement d’entreprises qui souhaitent renforcer leur visibilité, leur compétitivité et leur profitabilité en adoptant une stratégie commune.

Les marques collectives constituent l’un de ces outils que le droit de la propriété intellectuelle met au service des partenariats d’entreprises.

Elles sont souvent appelées « labels » en langage courant, bien que ce terme corresponde stricto sensu aux signes d'identification de produits agricoles, forestiers, alimentaires ou de la mer qui sont réglementés par le code de la consommation et par le code rural, comme par exemple le très connu « label rouge »

Le Code de la propriété intellectuelle prévoit deux types de marques collectives :

+ La marque collective simple qui est soumise au droit commun des marques et qui a pour fonction de garantir l’origine de produits ou services, en indiquant aux consommateurs que ces produits ou services proviennent de professionnels appartenant à une même organisation et adhérant au même référentiel (ou norme), ce qui la distingue de la marque individuelle ;

+ La marque collective de certification qui a pour fonction de protéger les consommateurs sur la garantie de conformité des produits ou services revêtus de la marque par rapport à certaines caractéristiques spécifiques proposées par celle-ci.
Ces deux marques particulières peuvent constituer l’objet d’une stratégie commune d’entreprises qui choisissent de se regrouper pour utiliser un signe distinctif commun soumis à des règles d’utilisation uniformes.

L’objectif d’un tel partenariat est d’offrir aux consommateurs une garantie sur l’origine commune de produits ou services et/ou une garantie de conformité des produits ou services à un référentiel ou à une norme.

Sur le plan juridique, la marque collective simple est soumise au régime du droit commun des marques et suppose en outre l’établissement d’un règlement d’usage prévoyant les conditions dans lesquelles la marque peut être utilisée.

Le régime de la marque collective de certification est différent car :

- Sur la forme, son enregistrement est soumis à des conditions particulières qui s’ajoutent à celles prévues pour les marques individuelles ;

- Sur le fond, un règlement d’usage fixe les conditions dans lesquelles les entreprises partenaires sont autorisées à faire usage de ces marques collectives.

La protection d’un tel signe destiné à assurer aux consommateurs une garantie de conformité de produits, ou de services, suppose que le déposant soit une personne morale indépendante qui ne doit être ni le fabricant, ni l’importateur, ni le vendeur des produits ou services.

Le déposant doit en outre satisfaire aux conditions fixées par la législation applicable à la certification prévue par les articles L. 115-27 et suivants du Code de la consommation.

Cette dernière condition suppose que le déposant ait la qualité d’organisme certificateur ayant reçu une accréditation du COFRAC .

Cette association est chargée de procéder à la vérification de la compétence technique, de l’indépendance et de l’impartialité de l’entité qui souhaite devenir organisme certificateur.

Depuis la réforme de la certification et de la procédure d’accréditation intervenue par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (dite « loi LME »), le nombre de demandes d’accréditation auprès du COFRAC a sensiblement augmenté, signe que les entreprises françaises ont compris l’intérêt du dispositif.

Il convient néanmoins de reconnaître que l’apparente ampleur des mécanismes à mettre en place pour devenir organisme certificateur est susceptible de constituer un obstacle pour nombre d’entreprises, l’exploitation d’une marque collective de certification supposant notamment des mesures de contrôle de conformité.

Il faut encourager les industries françaises à recourir à ces outils de propriété intellectuelle qui ne doivent plus être considérés comme réservés à certains produits particuliers, comme les produits alimentaires.

Les marques collectives, et en particulier la marque collective de certification, ont une vocation générale, embrassant tous les biens de consommation, des produits textiles aux produits électroniques, ainsi que tous les services.

La logique du « travaillons ensemble grâce aux labels et marques collectives » peut constituer un axe d’union des forces économiques des acteurs de l’industrie.

L’exemple et l’expérience des pôles de compétitivité l’ont déjà démontré.

L’évolution est à notre portée, sachons la saisir et la développer !

Corinne Champagner Katz

Corinne CHAMPAGNER KATZ

Avocat à la Cour

Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle

http://www.champagnerkatz.com