Montasser CHARNIL’idée est souvent répandue chez les employeurs qu’ils n’ont pas de réelle contrainte en matière de formation professionnelle des salariés sous CDD. Car, si ceux-ci ont, en théorie, les mêmes droits que les salariés embauchés en CDI, en pratique, les choses peuvent être différentes en raison du fait que le salarié en CDD est rarement en mesure de réunir les conditions d’ancienneté et de durée de services chez un même employeur requises pour bénéficier des dispositifs de droit commun de la formation professionnelle continue.

Pour autant, il ne faut pas s’y méprendre : les employeurs supportent une véritable obligation de formation professionnelle des salariés sous CDD avec des conséquences financières à la clé.

1-    Des obligations financières et administratives spécifiques pesant sur les employeurs occupant des CDD

1.1 Indépendamment de leur participation financière à la formation continue de droit commun, les employeurs ayant eu recours à des CDD, quelque soit leur effectif, sont tenus de verser à l’OPACIF (organisme paritaire collecteur agrée au titre du congé individuel de formation) avant le 1er mars de chaque année, une contribution spécifique de 1% des salaires payés à ces salariés durant l’année de référence.

Il est à préciser que ce versement n’est pas dû pour certains CDD (les contrats saisonniers conclus dans le cadre d’une action du plan de formation ou dans le secteur du sport professionnel), et lorsque le CDD a été suivi d’un CDI.

1.2 Il est également à noter que les partenaires sociaux, soucieux de rendre effectifs les dispositifs de formation professionnelle auprès des salariés en CDD, ont imposé aux employeurs du commerce, des services de l’industrie et de l’artisanat de remettre au salarié un bordereau individuel d’accès à la formation (BIAF) dès la conclusion du contrat afin de l’informer de ses droits à congé-formation.

2-    L’adaptation aux salariés sous CDD des dispositifs de la formation professionnelle continue

Le législateur a décidé d’adapter les conditions de mise en œuvre des différents dispositifs par rapport au droit commun, pour permettre au salarié sous CDD d’en bénéficier, notamment, entre deux contrats.

Le Congé individuel de formation (CIF)

Le salarié en CDD peut prétendre à un congé de formation en dehors de la période d’exécution du contrat, s’il justifie d’une ancienneté de 24 mois, consécutifs ou non, en qualité de salarié, quelle qu’ait été la nature des contrats successifs, au cours des 5 dernières années, dont 4 mois consécutifs ou non, sous CDD au cours des 12 derniers mois (Article R 6322-20 du Code du travail).

Pour les salariés d’entreprises artisanales de moins de 10 salariés, la condition d’ancienneté requise comme salarié est portée à 36 mois, consécutifs ou non, quelle qu’ait été la nature des contrats successifs au cours des 7 dernières années, dont 8 mois, consécutifs ou non, sous CDD, au cours des 24 derniers mois (Article 2-40 de l’Accord national Interprofessionnel du 5 décembre 2003).

Pour apprécier ces 4 (ou 8 mois), ne peuvent être pris en compte les contrats de types particuliers (apprentissage, professionnalisation, avenir, accompagnement dans l’emploi), les CDD conclus au cours d’un cursus scolaire ou universitaire et les CDD qui se sont poursuivis par un CDI.

L’action de formation peut être suivie avant le terme du CDD, avec l’accord de l’employeur, et doit débuter au plus tard 12 mois après ledit terme du CDD.

Le salarié doit demander la prise en charge de son congé à l’OPACIF collecteur du 1 % CIF-CDD dont relève l’entreprise dans laquelle il a exécuté son dernier CDD.

Pendant le congé, l’OPACIF verse au salarié une rémunération égale à un pourcentage du salaire moyen perçu au cours des 4 derniers mois (ou 8 derniers mois) sous CDD (90 % pour les formations définies comme prioritaires, 80 % pour les autres, avec un double plancher qui sera très utilisé en pratique : la rémunération du salarié ne peut être inférieure soit au salaire antérieur lorsque celui-ci n’atteint pas deux fois le SMIC, soit à deux fois le SMIC dans le cas contraire).

Le bénéficiaire a le statut de stagiaire de la formation professionnelle et bénéficie du maintien de la protection sociale qui lui était assurée lorsqu’il était salarié sous CDD en matière de sécurité sociale, d’assurance chômage et de retraite complémentaire.

Le congé de bilan de compétence ou pour validation de l’expérience

Les employeurs se doivent de savoir que les salariés sous CDD ont droit à ces congés et que les conditions requises et la rémunération du bénéficiaire sont identiques à celles prévues pour le CIF.

Le droit individuel à la formation (DIF)

Le décret n° 2009-289 du 13 mars 2009 a rétabli la condition d’ancienneté de quatre mois, consécutifs ou non, sous contrat de travail à durée déterminée, au cours des douze derniers mois pour permettre le bénéfice du DIF, laquelle avait disparu lors de la recodification entrée en vigueur le 1er mai 2008.
Le volume d'heures acquis au titre du DIF est calculé au prorata de la durée du contrat.
Par exemple, un CDD de six mois ouvrira droit à 10 heures de formation au titre du DIF.
Si le salarié travaille à temps partiel, il convient d'effectuer une double proratisation en fonction de la durée de son contrat et de son temps de travail.
Les frais de formation, de transport et d'hébergement, ainsi que l'allocation de formation due à ces salariés sont pris en charge par l'organisme paritaire agréé qui perçoit de l'employeur la contribution de 1 % destinée au financement du congé individuel de formation des salariés en CDD.

Pour le reste, le DIF est mis en oeuvre dans les mêmes conditions que celles prévues pour les salariés en contrat à durée indéterminée : choix de l'action de formation, demande du salarié, réponse de l'employeur, déroulement de la formation, rémunération...
Dans le Code du travail, il n’existe aucune obligation pour l’employeur de compenser les heures acquises par le salarié au titre du DIF-CDD mais non utilisées.
La convention UNEDIC du 18 janvier 2006 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage (paragraphe 5 d. de l’article 1er) prévoyait, toutefois, le versement à l’OPACIF par les entreprises d’une contribution égale au montant de l’allocation de formation correspondant au solde des droits acquis par le salarié au titre de son DIF-CDD, mais cette disposition n’a pas été reprise dans la nouvelle convention UNEDIC du 19 février 2009, entrée en vigueur le 1er avril 2009.

3-    La vigilance de la Cour de cassation


La jurisprudence veille scrupuleusement à ce que soient respectés les droits des salariés en CDD en matière de formation professionnelle, comme en témoigne l’application qu’elle a pu faire des dispositions de l’article L 1243-9 du Code du travail.

Celui-ci permet de limiter le montant de l’indemnité de fin de CDD à 6 % par un accord collectif « dés lors que des contreparties sont offertes à ces salariés, notamment sous la forme d’un accès privilégié à la formation professionnelle ».

Dans un arrêt du 11 juillet 2007 (n° de pourvoi : 06-41765), la Cour de cassation a condamné un employeur à verser l’indemnité de précarité de 10 % malgré l’existence d’un accord de branche étendu abaissant à 6% le taux de l’indemnité de fin de contrat au motif que l’employeur « n’avait jamais prétendu avoir proposé au salarié un accès à la formation professionnelle ».

En matière de formation, professionnelle des salariés sous CDD, comme d’ailleurs pour tout le reste, les employeurs doivent se méfier des éventuelles désinformations !

Montasser CHARNI

Montasser CHARNI

Avocat avec une activité dominante en droit social et en droit commercial