Gian Paolo CossuL’introduction en Bourse devrait avoir pour vocation d’être un véritable accélérateur pour le développement d’une PME. La création en 2005 du marché Alternext (lire le document www.euronext.com/fic/000/010/681/106812.pdf) et des compartiments B et C d’Euronext visait à faciliter l’accès au marché financier des petites et moyennes entreprises.  Pourtant si l’étude réalisée par l’Observatoire des entreprises de la Banque de France (version PDF disponible en cliquant sur : http://www.banque-france.fr/fr/statistiques/telechar/economie/entreprises/entreprises-cotees-sur-les-marches-a-faible-capitalisation.pdf ) montre que les PME cotées sont souvent plus dynamiques et créatrices d’emploi que les entreprises non cotées, dans la majorité des cas l’introduction en bourse ne répond pas aux attentes des PME.

Ceci est confirmé par Fabrice Demarigny, auteur du rapport sur le « Small Business Act » remis à Christine Lagarde le 18 mars dernier : Il n’y a plus d’introduction en bourse des PME depuis plus de trois ans en Europe et dans le monde. On pourrait croire que ceci est cyclique, mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit que les causes sont structurelles. Un facteur l’indique: la baisse du nombre de sociétés cotées en bourse. Non seulement il n’y a plus d’entrants, mais des sociétés quittent la bourse.

Pourquoi ce relatif désamour entre la Bourse et les PME ?

Je pense que l’analyse financière (ou plutôt le manque d’analyses financières) a sa part de responsabilité.
En fait, l’introduction en Bourse impose au chef d’entreprise une véritable culture financière, un effort particulier de communication tournée vers les investisseurs. Il faut savoir tirer parti d’une cotation sur la durée et ne pas se limiter à une opération one-shot . Emmanuel Picot, PDG d'Evolis une PME cotée, avoue qu’il consacre 20 % de son temps à la communication financière.

Je suis persuadé que la publication d’analyses financières régulières (une fois par an) pourrait contribuer à construire le chainon manquant entre investisseurs boursiers et PME.

Cependant, une étude de l’AMF (l’Autorité des Marchés Financiers qui veille à la protection de l'épargnant et au contrôle des informations diffusées, et chargée de donner son agrément préalablement à leur diffusion dans le public) réalisée en juillet 2005 et relative à l’évolution de l’analyse financière indépendante (version PDF disponible sur www.amf-france.org/documents/general/6158_1.pdf ) met en évidence quelques conclusions qui portent à réfléchir :

  • En France, l'analyse financière est concentrée chez une trentaine d'intermédiaires financiers ou dans les sociétés de gestion les plus importantes..
  • La couverture de la cote par les analystes est très inégalement assurée. Les études sont fortement concentrées sur les grandes capitalisations et sont essentiellement distribuées auprès des gestionnaires institutionnels de premier rang

Cette situation s’explique par la manière dont les services d’analyse financière sont organisés. Il faut savoir que le terme "analyste financier" recouvre plusieurs réalités qui correspondent à des méthodes et des objectifs différents. ; dans le monde de la bourse on distingue :

- Les analystes « sell side » qui chargés d'informer et conseiller les investisseurs en bourse. Les sell sides exercent leur activité en société de gestion sur un secteur donné de la cote (small & mid caps, large caps Europe,...)

- Les analystes « buy side » sont chargés d'évaluer et sélectionner des actifs sur lesquels investir. Les « buy side » retraitent les informations délivrées par les « sell side ». Ils opèrent dans les sociétés d'investissement ou de gestion d'actifs.


Les statistiques de la Société Française des Analystes Financiers confirment que la plupart des analystes financiers sont employés d'une société de bourse en tant que « sell side » c’est à dire des analystes chargés de rédiger des études destinées aux investisseurs.

C’est ici que le bât blesse : les sociétés de bourse se doivent d’être rentables. Comme le souligne le rapport de l’AMF, le financement des analystes est assuré dans la plupart des cas par le versement de commissions globales de courtage au profit du "sell side".

Les équipes d’analystes sell side étant plutôt réduites (pour les sociétés de bourse elles représentent un centre de coût), priorité sera donc logiquement donnée aux titres qui assurent du « volume ». Cela explique pourquoi les études d’analyse financière ne couvrent souvent que les « large cap » ( sociétés dont la valeur boursière est supérieure à 5 milliards €) qui ne représentent que 10% des sociétés cotées et délaissent les « mid-cap » (24% des sociétés cotées) et les « small cap » (66% des sociétés de la cote)

Or, pour réussir une introduction en bourse, la phase marketing - celle où l’entreprise est amenée à répondre aux questions des investisseurs - est indispensable : une présentation solide et crédible de l’entreprise à la communauté financière et aux autres sociétés de bourse permettant de justifier la valorisation proposée, est fondamentale.

La plupart du temps, le PSI (prestataire de services d’investissement, société chargée de l’introduction en Bourse) réalisera une analyse financière qui permettra de déterminer un prix d’équilibre duquel on va soustraire une décote de quinze à vingt pour cent pour intéresser les investisseurs.

Mais dans la quasi-totalité des cas, son rôle s’arrêtera là.

Et la PME cotée en bourse sera retrouvera « orpheline », alors qu’une fois l’introduction réalisée, il est impératif d’assurer le suivi du titre par des publications semestrielles et annuelles, organiser des rencontres avec des investisseurs, mettre à disposition des investisseurs des analyses financières élaborées par des spécialistes crédibles.

Dans ce contexte on ne peut que partager la position de l’AMF lorsqu’elle préconise de promouvoir et développer l’activité d’analyse financière lors d’une introduction en bourse en dehors des prestataires de services d’investissement (PSI) c'est-à-dire la production d’analyses financières indépendantes. réalisées par des entités qui n’appartiennent pas au syndicat de placement

Pour une PME, quels sont les avantages de recourir à une analyse financière indépendante lors d’une introduction en Bourse ?

- En variant les sources des analyses réalisées lors de l’introduction en bourse ou d’opérations financières, elle crédibilisera sa démarche financière ; l’investisseur sera moins tenté de penser qu’il pourrait y avoir un lien plus ou moins subjectif entre la recommandation d’achat émise par l’analyste et l’intérêt bien compris du PSI d’assurer le placement des titres ;

- La rémunération de l’analyste indépendant est autonome ; il s’agit d’une rémunération de « services d’aide à la décision d’investissement » (termes issus d’une instruction de l’AMF) et n’est en aucun liée à l’exécution d’ordres ;

- Compte tenu de cette indépendance entre la production d’analyse financière et l’exécution des ordres boursiers, l’analyste indépendant assurera sa mission de manière récurrente, année après année, quel que soit le contexte de cotation et de liquidité du titre. En effet, l’analyse devra être produite en vertu d’un contrat de prestation qui créée une obligation pour l’analyste financier. Ainsi la PME ne se retrouvera pas « orpheline » au bout d’un an de cotation (pour reprendre l’expression utilisée plus haut). Cependant, pour assurer l’indépendance de vues de l’analyste conformément aux règles d’éthique de la profession, la PME commanditaire devra s’engager à ne pas intervenir dans l’élaboration de l’analyse qu’elle a commandée et à ne pas en empêcher la diffusion.

- La production d’analyses financières indépendantes n’a de sens que si elle s’accompagne d’une politique de communication financière bien construite ; en particulier il faudra veiller à sensibiliser le marché sur l’existence de ces analyses et les mettre à disposition du public dans des conditions facilement accessibles (site internet de la PME par exemple).

Gian Paolo COSSU, Associé
AB CORP FINANCE
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Conseil en business plans et en financements d’entreprise, réalise des analyses financières indépendantes pour le compte de PME cotées et non cotées