Victoire de BARYPar une décision du 9 novembre 2011 (pourvoi n°10-30291), la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a rendu une décision relative à la mise en œuvre de l’article L 145-13 du code de commerce.

Tout d’abord, rappelons que cet article prévoit que :

« Sous réserve des dispositions de la loi du 28 mai 1943 relative à l'application aux étrangers des lois en matière de baux à loyer et de baux à ferme, les dispositions de la présente section ne peuvent être invoquées par des commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers de nationalité étrangère, agissant directement ou par personne interposée, à moins que, pendant les guerres de 1914 et de 1939, ils n'aient combattu dans les armées françaises ou alliées, ou qu'ils n'aient des enfants ayant la qualité de Français. L'alinéa précédent n'est pas applicable aux ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ».

Il en ressort donc que le droit au renouvellement d’un bail commercial est, entre autres, soumis à une condition de nationalité.

Le principe d’exclusion ne vaut que pour le droit à renouvellement ou à reprise.

Il existe en outre des exceptions à ce principe, à savoir :

  • Les ressortissants communautaires, ou d’un Etat partie à l’Espace Economique Européen (EEE) ou à l’OCDE,
  • les étrangers qui sont en mesure d’établir – généralement par la fourniture d’une attestation de l’autorité consulaire de leur pays en France – que leur pays possède une législation analogue à celle qui existe en France en matière de propriété commerciale, et que le bénéfice de cette législation est reconnu aux français.
  • les étrangers qui peuvent se prévaloir d'une convention diplomatique intervenue entre leur pays et la France telle qu’un traité assimilant l'étranger à un Français ; qu’un traité assimilant l'étranger à un autre étranger lui-même assimilé à un Français (clause « de la nation la plus favorisée ») ; ou encore qu’un traité dispensant l'étranger de la réciprocité législative ;
  • les étrangers ayant combattu pendant les guerres de 1914 et de 1939 dans les armées françaises ou alliées ;
  • les étrangers ayant un ou plusieurs enfants de nationalité française.

L’appréciation quant à la réunion des critères de dérogation se fait au jour de la demande de renouvellement.

Dans l’affaire qui a été soumise à la Cour de Cassation, le bailleur avait délivré un congé avec offre de renouvellement à une société turque qui avait elle-même formulé une demande de renouvellement un mois après avoir reçu l’offre du bailleur.

Le décalage entre le congé avec offre de renouvellement et la demande de renouvellement résultait d’un litige sur la date de renouvellement du bail.

Au niveau de la Cour de Cassation, la seule question en litige était celle du bien-fondé de la demande de renouvellement formulée par le preneur alors que celui-ci ne disposait pas, en vertu des dispositions précitées du code de commerce, de ce droit.

Pour sa part, la Cour d’Appel de Paris avait, dans un arrêt largement commenté (Paris, 2 décembre 2009, AJDI 2010, 313), considéré que l’adhésion à venir de la Turquie à l’Union Européenne ainsi que les deux premiers renouvellements du bail consentis par le bailleur permettaient de considérer que les dispositions relatives à la condition de nationalité n’étaient pas applicables.

Sans répondre précisément à la question qui lui était posée, la Cour de Cassation est allée plus loin et a tranché la question de la survivance de cette disposition qui n’a pas été modifiée depuis le décret n°53-960 du 30 septembre 1953.

Par le biais de la substitution de motifs de pur droit, la Cour a en effet considéré que :

« l’article L 145-13 du code de commerce, en ce qu’il subordonne, sans justification d’un motif d’intérêt général, le droit au renouvellement du bail commercial, protégé par l’article 1er du 1er protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à une condition de nationalité, constitue une discrimination prohibée par l’article 14 de cette même Convention ».

Par conséquent, la portée de cet arrêt est importante : alors même qu’elle confirme la décision de la Cour d’Appel, la juridiction suprême remplace la motivation qui avait été retenue pour y substituer la sienne.

C’est pourquoi, nous pouvons considérer dès à présent que le droit au renouvellement du bail commercial bénéficie à tous les titulaires d’un tel contrat, quelle que soit leur nationalité.

Gageons que cette analyse de la Cour de Cassation sera étendue à l’exercice du droit de reprise qui est également soumis à une condition de nationalité.

 

Victoire de BARYVictoire de Bary

Avocat Associé

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