Gwendal RivalanLe projet de loi relatif à l’immigration envisage de sanctionner pénalement certaines obligations pesant sur l’entrepreneur principal.                                        
Le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité adopté par l’Assemblée nationale, le 12 octobre 2010, envisage de sanctionner pénalement le non respect du premier alinéa de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, lequel dispose que « L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande ».


En effet, l’article 63 du projet de loi adopté par l’Assemblé nationale prévoit d’insérer, dans le Code du travail, un article L.8271-1-1 ainsi rédigé : « les infractions au premier alinéa de l’article 3 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance sont constatées par les agents mentionnés à l’article L.8271-7. Ces infractions sont punies d’une amende de 7 500 € ».
Par conséquent, le projet de loi instaure une infraction aux obligations pesant sur l’entrepreneur principal tendant, d’une part, à présenter son sous-traitant au maitre d’ouvrage, aux fins d’acceptation et d’agrément de ses conditions de paiement, et, d’autre part, à communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maitre d’ouvrage lorsque ce dernier le demande.

Enfouie dans un projet de loi qui n’a pas un rapport direct avec les thèmes de l’immigration, de l’intégration et de la nationalité, la réforme affectant la loi relative à la sous-traitance est pourtant d’une portée significative puisque :

 


1/ le dispositif légal envisagé serait applicable aux sous-traitances de marché public comme de marché privé, puisqu’il sanctionne le non respect du premier alinéa de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 constituant le tronc commun de la sous-traitance.


2/ la sanction pénale menacerait la chaine des sous-traitants - de l’entrepreneur principal jusqu’au sous-traitant d’avant-dernier rang - l’article 2 de la loi du 31 décembre 1975 précisant que « le sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l’égard de ses propres sous-traitants » : le sous-traitant d’un rang inférieur qui ne présenterait pas lui-même son propre sous-traitant au maître d’ouvrage et/ou qui ne communiquerait pas son contrat de sous-traitance au maitre d’ouvrage, en dépit de la demande formée par ce dernier, s’exposerait à l’amende de 7 500 €.


3/ le dispositif légal confirme la nécessité d’établir par écrit le contrat de sous-traitance puisque sa non présentation au maitre d’ouvrage, qui en fait la demande, est sanctionnée pénalement.


4/ le dispositif légal dépasse le cadre de la lutte contre la présence de travailleurs étrangers sans titre puisqu’il est bien évident que les agents habilités seront en droit de constater les infractions au premier alinéa de l’article 3 de la loi relative à la sous-traitance, peu importe en définitive la présence ou l’absence de travailleurs étrangers sans titre.

Il reste désormais à savoir si l’article 63 du projet de loi adopté par l’Assemblé nationale, le 12 octobre 2010, sera conservé ou modifié par le Sénat. A cet égard, on peut observer que :


1/ l’article 63 concerné figurait dès l’origine dans le projet gouvernemental ; le seul amendement adopté lors des débats à l’Assemblée national est un amendement rédactionnel, le texte initial projetant de sanctionner « les infractions aux obligations de faire accepter chaque sous-traitant et agréer ses conditions par le maître d’ouvrage, ou de refuser de communiquer à ce dernier les contrats de sous-traitance, conformément aux dispositions du premier alinéa de l’article 3 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, sont constatées par les agents mentionnés à l’article L.8271-7. Ces infractions sont punies d’une amende de 7 500 € », ce qui pouvait susciter une interrogation (voir l’article de l’auteur paru dans BTP Magazine n°239, Juin 2010, p.94). En se référant uniquement aux « infractions au premier alinéa de l’article 3 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance », le texte adopté par l’Assemblée nationale renvoie en substance à la jurisprudence rendue au visa de l’article 3 de la loi relative à la sous-traitance, notamment en ce qu’elle n’impose pas à l’entrepreneur principal une obligation de résultat quant à l’acceptation de son sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement mais une obligation de présenter son sous-traitant à ces fins, ce qui n’est pas la même chose.
Ont été en revanche écartés des amendements qui tendaient à sanctionner plus lourdement les infractions aux obligations pesant sur l’entrepreneur principal.


2/ l’article 63 du projet de loi tend à répondre au rapport du Médiateur des relations inter-industrielles et de la sous-traitance remis le 30 août 2010, lequel suggérait de ne pas modifier la loi du 31 décembre 1975 tout en soulignant qu’« il faudrait éventuellement compléter le dispositif actuel par des sanctions appropriées ».


M. le Sénateur François-Noël BUFFET a été désigné en qualité de rapporteur sur le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale ; les travaux vont désormais se poursuivre en commission.


Gwendal RivalanGwendal RIVALAN
Avocat
Cornet-Vincent-Ségurel
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