Christian RousseLa sous-traitance bénéficie en droit français d'une définition juridique spécifique régie par la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, protectrice des intérêts des sous-traitants concernant la garantie du paiement de la prestation.

 

Sous-traitance et responsabilités

Toutefois, cette loi, qui s'applique aussi bien aux activités de bâtiment qu'à l'industrie et aux transports, n'exclut en aucun cas les règles de la responsabilité civile contractuelle applicables dans les rapports entre l'entreprise principale et le sous-traitant.

La Cour de Cassation, par deux arrêts, l'un de la troisième chambre civile, l'autre de la chambre commerciale, réaffirme ces principes.


1. Le premier arrêt de la troisième chambre civile du 11 avril 2012 (pourvoi n° 11-15313) est un arrêt de principe sur des faits simples.

Un particulier qui a confié la mission de construction d'une piscine à une société STYL'DECOR est victime d'un dommage en cours de chantier dû au percement d'une canalisation enterrée par la société PETIOT, étant précisé que la société STYL'DECOR a sous-traité le terrassement à la société PETIOT.

Le maître d'ouvrage, après expertise, assigne en résolution du contrat et remboursement du prix la société STYL'DECOR, qui appelle en garantie son sous-traitant PETIOT.

La Cour d'Appel a mis hors de cause la société PETIOT au motif qu'il appartenait à la société STYL'DECOR de vérifier les conditions d'implantation de l'ouvrage et la nature du sol.

La Cour d'Appel, alors qu'elle a constaté que la société PETIOT était sous-traitant de la société STYL'DECOR, tenue d'une obligation de résultat, est sanctionnée par la Cour de Cassation au motif que la société PETIOT est tenue d'une obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vice.

Cet arrêt est particulièrement intéressant alors que souvent en matière de terrassement, le sous-traitant considère qu'il n'est que la main servile de l'entreprise principale oubliant qu'il est un entrepreneur professionnel compétent tenu d'une obligation de résultat dont il ne peut s'exonérer que par une cause extérieure laquelle ne peut pas résider dans la faute du cocontractant.

                                  
2. Le second arrêt de la chambre commerciale du 10 mai 2012 (pourvoi n° 08-22049) concerne le domaine de l'industrie.

Il est articulé sur des faits beaucoup plus complexes dont l'analyse exhaustive ne sera pas faite ici mais dont chaque moyen rappelle la force contractuelle de l'obligation de résultat.

La société MRM, maître d'ouvrage, confie à la société STOLZ, maître d'œuvre, des travaux permettant d'augmenter le débit de chargement de navires céréaliers.

La société STOLZ confie à la société DOUCE HYDRO la conception, la fabrication, le transport, les essais et la mise en service d'un vérin hydraulique mis en place sur la structure par la société STOLZ dans ses ateliers.

La société STOLZ confie à la société HES la conception et la réalisation d'un système permettant la mis en pression hydraulique des vérins.

Des désordres apparaissent sur l'installation. Un expert judiciaire est désigné et au vu du rapport, la société STOLZ transige avec la société MRM puis assigne en responsabilité et indemnisation les sociétés DOUCE HYDRO, HES et leurs assureurs.

La Cour d'Appel d'AMIENS déclare la société DOUCE HYFRO totalement responsable des dommages et sur son pourvoi est rendu l'arrêt du 10 mai 2012.

2.1. La société sous-traitante, DOUCE HYDRO, forme son pourvoi sur trois moyens.

2.1.1. Le premier moyen comporte plusieurs branches :

2.1.1.1. Tout d'abord, la société DOUCE HYDRO considère que la Cour d'Appel a violé l'article 1134 du Code civil en ignorant sa mission limitée alors que c'est l'entreprise principale, la société STOLZ, qui avait conçu le système d'ensemble.

2.1.1.2. Compte tenu d'une transaction entre le maitre de l'ouvrage et l'entreprise principale et que le subrogé ne dispose pas plus de droit que le subrogeant, la société STOLZ agissant contre la société DOUCE HYDRO n'était plus dans un rapport contractuel mais dans un rapport délictuel qui est celui qui relie le maître de l'ouvrage au sous-traitant. La Cour d'Appel aurait du viser l'article 1382 du Code civil et non l'article 1147 du Code civil.

2.1.1.3. La Cour d'Appel n'a pas recherché si les causes de dysfonctionnement relevées par l'expert n'étaient pas étrangères à la prestation de la société DOUCE HYDRO.

2.1.1.4. D'après la société DOUCE HYDRO, la qualité de prototype est exonératoire de responsabilité pour le sous-traitant.

2.1.1.5. La Cour d'Appel, en statuant au regard de la responsabilité décennale et en écartant la garantie contractuelle d'un an, a dénaturé la convention conclue entre l'entreprise principale et son sous-traitant en violation de l'article 1134 du Code civil.

2.1.2. Ensuite, par un deuxième moyen, la société DOUCE HYDRO critique l'appréciation du rapport d'expertise faite par la Cour d'Appel.

2.1.3. Enfin, par un troisième moyen, la société DOUCE HYDRO reproche à la Cour d'Appel d'avoir rejeté son appel en garantie contre son assureur.

2.2. Dans son arrêt, la Cour de Cassation rejette le pourvoi formé par la société DOUCE HYDRO et approuve les juges du fond d'avoir :

- Décidé que le caractère de prototype ne modifie pas l'obligation pesant sur le sous-traitant qui a contractuellement accepté une mission limitée ;

- Rejeté l'argument sur la subrogation puisque l'entreprise principale a agi sur les fondements contractuel et délictuel dont les éléments constitutifs sont démontrés pour les deux ;

- Retenu que le sous-traitant n'est tenu envers l'entrepreneur principal que dans les conditions de la responsabilité contractuelle de droit commun et non pas selon la responsabilité particulière des articles 1792 et suivants du Code civil ;

- Retenu la seule responsabilité du sous-traitant sur les constatations de l'expert faisant ressortir que les dysfonctionnements de l'installation provenaient de défaut de conception et d'exécution, affectant les seuls éléments conçus, fabriqués et fournis par la société DOUCE HYDRO ;

- Relevé que les dysfonctionnements de l'installation s'étant révélés postérieurement à la livraison, sont exclus de garantie d'assurance les dommages subis par les matériels ou produits livrés, fournies et/ou mis en œuvre par l'assuré.


Ainsi, ces deux arrêts réaffirment la jurisprudence antérieure de la Cour de Cassation :

Le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat envers l'entreprise principale sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, dont il ne peut s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère qui ne peut résider dans la faute du cocontractant.




Christian ROUSSE

Avocat associé

Cabinet Rousse, membre du réseau Eurojuris France

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Christian Rousse


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